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Budget européen : un accord décevant pour les intérêts de l’Europe et de ses partenaires. Décryptage et analyse.

ONE

Plus de deux ans après la première proposition de budget, trois sommets peu concluants, une pandémie mondiale, une proposition révisée, cinq contre-propositions et une réunion du Conseil européen qui a duré quatre jours et quatre nuits, les dirigeants européens sont enfin parvenus, aux aurores du 21 juillet, à un accord sur le budget à long terme de l’Union européenne (UE) et sur le fonds de relance nouvellement créé pour faire face aux conséquences socio-économiques de la crise liée au COVID-19.

Bonne ou mauvaise nouvelle ? Le fait que les dirigeants européens aient enfin trouvé un terrain d’entente est, certes, une bonne nouvelle, mais ce faisant, la part du budget dédiée à l’aide au développement a fortement été réduite. Alors que le monde continue de se battre contre une crise pandémique qui renforce les inégalités mondiales, ce choix est tout sauf judicieux !

Nous revenons avec vous sur les longues négociations qui ont précédé cet accord et sur les raisons pour lesquelles celui-ci est loin d’être satisfaisant.

Que s’est-il passé entre les dirigeants européens au cours des quatre (longues) journées et nuits de négociations sur le budget européen ?

Il y a deux mois, la Commission européenne présentait une proposition de budget révisée et plus ambitieuse que la proposition initiale. Cependant, les dirigeants européens sont allés a contrario de cette nouvelle proposition et ont convenu de réduire considérablement la part de budget dédiée à l’action extérieure de l’UE (la “rubrique 6”), diminuant de 15 milliards d’euros les fonds disponibles pour le développement international. Les fonds destinés aux régions les plus vulnérables du monde, telles que l’Afrique subsaharienne qui abrite 70% des pays les moins avancés et 51% des États fragiles, ont également été réduits. Or, ces fonds sont essentiels si nous souhaitons atteindre les objectifs stratégiques de la politique étrangère de l’UE et voir davantage de pays africains devenir prospères, pacifiques et résistants, comme l’ont récemment réaffirmé les États membres.

Qu’attendions-nous de la part des dirigeants européens ?

Chez ONE, nous avons mené campagne pendant des mois pour que les dirigeants européens s’accordent sur un budget d’aide internationale ambitieux. Lorsque la Commission européenne a présenté sa nouvelle proposition au mois de mai, nous avons appelé les États membres à accepter la nouvelle part de budget dédiée à l’action extérieure de l’UE, à savoir 118,2 milliards d’euros, dont 86 milliards d’euros pour le développement international. Un budget ambitieux aurait permis de réaliser des investissements à long terme dans les pays partenaires, plutôt que de réagir précipitamment aux situations d’urgence. Depuis le début de la pandémie, l’UE a alloué six fois plus de fonds pour aider les pays partenaires à faire face à la crise en un an qu’elle n’a investi dans les systèmes de santé de ces mêmes pays en sept ans.

En outre, un tel budget aurait également été nécessaire pour réaliser les ambitions géopolitiques de l’UE et créer un véritable partenariat avec l’Afrique.

Si la proposition révisée de la Commission a été rejetée par les dirigeants européens, tout n’est pas perdu : le Parlement européen a encore son mot à dire et il a déjà fait part de son mécontentement face à l’accord convenu par les dirigeants européens, notamment concernant les coupes budgétaires sur la part d’aide extérieure !

Quelles sont les conséquences de l’accord du Conseil européen pour ONE ?

Ces coupes budgétaires sont un signal alarmant du manque de solidarité européenne envers le reste du monde. Cela aura une grande incidence sur la capacité de l’UE à faire face aux plus grands problèmes de notre génération, tels que la montée de l’extrême pauvreté, les inégalités, l’urgence climatique et les futures pandémies. De manière contradictoire, ces coupes sont proposées alors que nous traversons une crise sanitaire mondiale qui engendre de lourdes conséquences économiques et sociales, notamment :

  • Rien que cette année, 28,2 à 49,2 millions de personnes pourraient basculer dans l’extrême pauvreté en Afrique.
  • D’ici la fin de l’année, 12 000 personnes par jour à travers le monde pourraient mourir de faim en raison des conséquences sociales et économiques du COVID-19.
  • 25 à 30 millions d’emplois sur le continent africain sont directement menacés.
  • Le COVID-19 a mis en évidence les faiblesses de systèmes de santé déjà fragiles, comme au Mali, où il n’y a que 3 respirateurs pour plus de 20 millions de personnes, ou au Nigeria, où il n’y a que 14 lits d’hôpital pour 10 000 personnes.
  • La pandémie accélère la crise mondiale de l’apprentissage et de l’éducation. Dans les pays à faible revenu, 90% des enfants de 10 ans ne sont pas capables de lire ou de comprendre une phrase simple, ce qui a un impact sur tout leur parcours scolaire.

Quelle est la prochaine étape ?

Après la proposition de la Commission européenne, la discussion au Conseil et l’accord des dirigeants, l’accord n’est toujours pas définitif : il doit désormais être approuvé par le Parlement européen.

Quelques heures seulement après l’accord du Conseil, le président du Parlement européen a convoqué une session plénière extraordinaire et a approuvé une motion de résolution demandant des augmentations budgétaires pour les domaines politiques orientés vers l’avenir, y compris le développement international.

Alors que le Parlement européen se prépare à négocier avec le Conseil avant de voter sur l’accord, ONE appelle les membres du Parlement européen à faire pression sur le Conseil pour obtenir une augmentation de la part de financement dédiée au développement international. Ce n’est qu’en adoptant un budget d’aide ambitieux que l’UE fera véritablement preuve d’une démarche stratégique tournée vers l’avenir. C’est de cela dont le monde a aujourd’hui besoin, plus que jamais, pour faire face aux défis à venir.

*Tous les chiffres cités sont exprimés en prix constants de 2018.

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