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4e Conférence sur le financement du développement : Quels enjeux ?

Actualité

Ce billet de blog a été rédigé par Duru Bagci et Fatou Kiné Diene, deux jeunes Ambassadrices de ONE.

Organisée par les Nations unies, la 4e Conférence internationale sur le financement du développement (FfD4) se tient à Séville en Espagne entre le 30 juin et 3 juillet 2025. Alors que le monde se rapproche de l’échéance des Objectifs de développement durable (ODD) en 2030, les inégalités restent pourtant criantes. Selon les Nations unies, 575 millions de personnes vivront encore dans l’extrême pauvreté en 2030 si les tendances actuelles persistent.

Dans ce contexte, la Conférence FfD4 n’est pas seulement un rendez-vous diplomatique, c’est une opportunité cruciale de refonder la solidarité internationale sur des bases plus justes, durables et efficaces. Elle vise à réunir les grands acteurs du développement comme les gouvernements, les organisations internationales et régionales, les institutions financières et commerciales, les entreprises et la société civile pour proposer un espace de réflexion collective sur les manières de changer les modèles de financement actuels, ces derniers restant insuffisants par rapport aux besoins des pays à revenu faible et intermédiaire.

Processus préparatoire de la Conférence FfD4

La conférence étant internationale, son organisation n’est pas sans passer par un Comité préparatoire intergouvernemental, responsable d’assurer les préparations organisationnelles, procédurales et de fond. Ce comité inclut un bureau composé de trois membres de chaque groupe régional et est co-présidé par Zéphyrin Maniatanga (Représentant permanent du Burundi auprès des Nations unies) et Rui Vinhas (Représentant permanent du Portugal aux Nations unies.

Parmi les autres membres du Comité préparatoire se trouvent les représentant·e·s des Etats africains (Afrique du Sud), des États d’Asie Pacifique (Chine, Iran et Pakistan), des Etats d’Europe de l’Est (Pologne et Russie), des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (Brésil et Colombie), des Etats d’Europe de l’Ouest et d’autres États (Canada).

Système financier international : un peu d’histoire

Pour pouvoir comprendre le grand décalage entre les progrès qui ont pu être faits jusqu’à présent et les ambitions fixées par les ODD, il faut s’interroger sur le fonctionnement du système financier international actuellement à l’œuvre. En effet, ce dernier a été construit à la fin de la Seconde Guerre mondiale et s’appuie sur deux grandes instances internationales que sont la Banque mondiale, qui soutient financièrement les projets d’investissement dans les pays à revenu faible et intermédiaire, et le Fonds monétaire international (FMI), qui a la responsabilité d’assurer la stabilité économique et financière à travers le monde. Ce mécanisme de financement reste globalement intact depuis 1944, même s’il y a eu de petites évolutions dans ses domaines et manières d’agir.

Ce n’est qu’au début des années 2000 que les Nations unies ont commencé à repenser les éléments prioritaires du financement du développement, et ce, à travers le Consensus de Monterrey, adopté en 2002 au Mexique, qui met en avant six domaines d’action prioritaires :

  • La mobilisation des ressources nationales
  • Les investissements étrangers
  • La libéralisation du commerce international
  • La coopération internationale pour le développement
  • La cohérence des systèmes monétaires, financiers et commerciaux internationaux
  • L’atténuation de la dette extérieure des pays pauvres

La question de la dette

Le dernier point mentionné ci-dessus représente un des plus grands enjeux de la conférence FfD4. En raison de leurs lourdes dettes extérieures, de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire consacrent une partie importante de leurs recettes publiques à rembourser leur dette, au lieu d’investir dans des secteurs clés, tels que l’éducation, la santé ou la transition énergétique.

A titre d’exemple, en Zambie, le service de la dette représente 33 % du budget national alors que les dépenses sociales (santé et éducation) gravitent autour de 19 %, selon l’ONG CCFD-Terre Solidaire. Un autre exemple est celui du Ghana où la dette publique a doublé en moins de 10 ans. Ces exemples, loin d’être isolés, mettent en évidence une crise systémique croissante en raison de l’absence de systèmes internationaux qui régulent de manière équitable la dette.

Pourquoi la dette est-elle encore si pesante sur les pays à revenu faible et intermédiaire ? Tout d’abord, cela est dû au coût du capital pour les pays vulnérables : emprunter de l’argent est beaucoup plus cher pour eux. Prenons l’exemple de l’Afrique : les intérêts sur la dette des pays africains s’élèvent en moyenne à 9,8 %, contre 6,8 % pour l’Amérique latine, 5,3 % pour l’Asie et moins de 3 % pour les États-Unis et l’Allemagne.

Par ailleurs, la dette africaine a considérablement changé de nature : auparavant, la majorité de la dette extérieure africaine était contractée auprès de pays à revenu élevé et d’agences multilatérales comme la Banque mondiale et le FMI. Aujourd’hui, la Chine et les créanciers privés représentent une grande partie de l’encours de la dette, ce qui signifie qu’une plus grande partie de la dette est non concessionnelle, c’est-à-dire qu’elle coûte plus cher.

Les solutions existent : place au courage politique

Les alternatives ne sont pas inexistantes. Il ne s’agit pas d’imaginer l’impossible, mais de mettre en œuvre ce qui a déjà été proposé, parfois par les institutions elles-mêmes.

  • Mettre en œuvre l’impôt minimum sur les sociétés dans le monde et taxer le patrimoine des plus fortunés : Un impôt minimum mondial sur les sociétés à 15 %, tel que proposé par l’OCDE, permettrait de récupérer environ 150 milliards de dollars par an. Ce chiffre pourrait grimper si les taux et les règles étaient plus équitables pour les pays du Sud. Par ailleurs, la “taxe Zucman” de 2 % sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros permettrait quant à elle de rapporter 20 milliards par an en France.
  • Réallouer les droits de tirage spéciaux (DTS) : En 2021, les pays du G20 ont décidé de créer 650 milliards de dollars sous forme de DTS pour soutenir la relance post-Covid. Pourtant, seulement une petite fraction de ces ressources a été réallouée aux pays les plus vulnérables.
  • Financer la transition écologique de manière équitable : Les pays du Nord s’étaient engagés à verser 100 milliards de dollars par an de financement climatique d’ici 2020. Un objectif qui n’a été atteint en partie qu’en 2023, avec trois ans de retard, et sans garantie d’accessibilité pour les pays les plus vulnérables.
  • Créer des taxes solidaires : Une autre solution serait de créer des nouvelles taxes innovantes au niveau mondial, telles que la taxe sur les transactions financières ou la taxe sur les billets d’avion. Si ces taxes existent parfois à l’échelle nationale, comme c’est le cas pour la France, la généraliser à l’ensemble des pays permettrait de dégager des centaines de milliards de dollars de financement supplémentaires par an.

Une solidarité plus équitable et plus horizontale

Pour être crédible, la solidarité internationale doit reposer sur des principes de justice fiscale, de souveraineté et de co-responsabilité. Cela suppose :

  • D’annuler ou alléger les dettes insoutenables ;
  • De renforcer les financements sous forme de dons, sans conditionnalité ;
  • Et de garantir une représentation équitable des pays du Sud dans les instances de gouvernance financière mondiale.

Il est également temps de se détacher des vieilles logiques encore présentes dans certaines modalités du financement du développement, où les intérêts des donateurs ne laissent aucune place aux besoins exprimés par les bénéficiaires.

La jeunesse, porteuse d’un nouvel imaginaire de solidarité

Nous, jeunes générations, ne voulons pas hériter d’un monde où l’intérêt financier prime sur la dignité humaine. Un monde où les crises du climat, de la faim, de la santé ou de l’éducation sont abordées avec des outils du siècle passé. Nous refusons une mondialisation où la richesse circule librement, mais pas la justice, où l’on parle de « développement » sans écouter les premier·e·s concerné·e·s, où l’on priorise le financement de la défense au détriment de l’éducation ou la santé.

Nous appelons les dirigeant·e·s à un sursaut de responsabilité. La solidarité internationale ne peut pas être un mot creux. Elle doit se traduire par des décisions concrètes, mesurables et courageuses. Il s’agit non seulement de réparer les déséquilibres du passé, mais aussi de construire un avenir commun. Un avenir prometteur où chaque pays, quel que soit son niveau de richesse, peut faire entendre sa voix, protéger ses populations, et contribuer à un monde plus juste.

En tant que jeunes Ambassadrices et Ambassadeurs de ONE, nous défendons :

  • Une solidarité qui ne se mesure pas en chiffres comptables, mais en impact réel sur les vies humaines ;
  • Une transition écologique mondiale financée équitablement, sans reporter la facture sur ceux qui polluent le moins ;
  • Un rééquilibrage du pouvoir dans les enceintes internationales, où chaque pays, riche ou non, a voix au chapitre.

Changer de cap, maintenant

La 4e Conférence sur le financement du développement ne peut être un simple bilan des échecs passés. Elle doit marquer un tournant historique, celui d’un nouveau pacte mondial basé sur l’équité, la transparence et la justice. Cela passe par une réforme ambitieuse de l’architecture financière mondiale, un allègement réel de la dette, une meilleure répartition des richesses, et surtout, par la volonté d’en finir avec une solidarité conditionnelle.

Les jeunes que nous sommes n’auront de cesse de rappeler que l’avenir se joue ici, dans les décisions que les États prendront à Séville. Et qu’aucun progrès durable ne sera possible sans une solidarité internationale repensée, renforcée et pleinement assumée.

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