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Nouvelle étude : Les coupes dans l’aide internationale américaine et européenne pourraient causer plus de 10 millions de nouvelles infections au VIH d’ici 2030

Une analyse modélisée réalisée par l’Institut Burnet, institut de recherche médicale basé en Australie, et publiée dans The Lancet HIV ce mercredi 26 Mars à 23:30 GMT indique que la diminution de l’aide publique au développement (APD) par les principaux pays donateurs, dont la France, pourrait entraîner plus de 10 millions de nouvelles infections au VIH et 2,93 millions de décès supplémentaires liés au sida d’ici la fin de la décennie.  

Les projections sont basées sur plusieurs scénarios impliquant des réductions budgétaires annoncées par cinq pays donateurs majeurs (États-Unis, France, Royaume-Uni, Allemagne et Pays-Bas) qui représentent collectivement 90 % du financement international du VIH.

En 2024, la France a réduit son budget d’APD de 37 %, soit une baisse de 2,1 milliards d’euros. L’année dernière, le gouvernement néerlandais a adopté un budget incluant des réductions de son budget d’aide internationale. Le mois dernier, le Royaume-Uni a annoncé qu’il réduirait de 40 % son budget d’aide, soit l’équivalent de 6 milliards de livres, à partir de 2027. Cette annonce faisait suite à un gel continu de l’aide américaine, affectant les programmes vitaux contre le VIH/sida, tandis que le programme phare PEPFAR (President’s Emergency Plan for AIDS Relief), pilier central du financement mondial de la lutte contre le VIH, fait l’objet d’un examen qui pourrait compromettre sa continuité. En parallèle, d’importantes réductions de l’aide allemande sont aussi possibles au vu des négociations de coalition du nouveau gouvernement allemand en cours.

L’étude prévoit l’incidence et la mortalité du VIH de 2025 à 2030 dans cinq scénarios différents, dont un scénario catastrophe impliquant l’arrêt de PEPFAR en plus d’une réduction combinée de 24 % du financement international du VIH par les principaux pays donateurs européens.

Dans tous les pays à revenu faible et intermédiaire, ces coupes pourraient causer jusqu’à 10,75 millions de nouvelles infections au VIH entre 2025 et 2030, et 2,93 millions de décès supplémentaires liés au VIH.

Les nouvelles infections au VIH diminuent de 8,3 % chaque année depuis 2010 dans les 26 pays étudiés, avec une réduction de 10,3 % des décès liés au VIH chaque année. Dans le scénario catastrophe examiné par les chercheurs, le nombre de nouvelles infections au VIH pourrait revenir aux niveaux de 2010 dès l’année prochaine, effaçant ainsi plus d’une décennie de progrès durement acquis.

Cette forte augmentation signifie qu’à l’échelle mondiale, le nombre total d’infections annuelles pourrait dépasser les 3,3 millions de 1995, année la plus critique de l’épidémie, alors qu’il était tombé à 1,3 million en 2023.

Entre 2025 et 2030, les 26 pays qui reçoivent ensemble environ 50 % de toute l’aide internationale dédiée à la lutte contre le VIH étudiés par l’Institut Burnet pourraient connaître une augmentation de 221 % des infections par le VIH chez les enfants, et de 110 % de la mortalité infantile due au VIH.

Maé Kurkjian, directrice du plaidoyer de ONE en France, déclare  « Si tous les regards se tournent vers les Etats-Unis et le drame que représente déjà l’arrêt de PEPFAR, cela ne doit pas dédouaner l’Europe et la France du rôle critique qu’elles jouent également dans la lutte contre le VIH. Les dirigeants européens se leurrent s’ils pensent que la sécurité peut être dissociée du développement. Investir massivement dans la défense sans garantir la stabilité et la santé des populations est une approche vouée à l’échec. »

Anne Aslett, directrice générale de la Fondation Elton John contre le sida, déclare : « Ce rapport met en évidence l’impact cumulatif négatif des coupes budgétaires. Si le financement de la lutte contre le VIH diminue dans les proportions étudiées dans cette analyse, il faudra faire face à des millions de malades supplémentaires. »

Elle ajoute : « Avec l’émergence de nouveaux traitements révolutionnaires de prévention du VIH, c’est maintenant qu’il faut investir dans la riposte mondiale contre le virus. Maintenir le financement des programmes de prévention et de dépistage du VIH pourrait empêcher la quasi-totalité des nouvelles infections évoquées dans cette étude, tout en permettant de réduire les coûts futurs des traitements, les nouvelles infections et les décès liés au VIH. »

La professeure Linda-Gail Bekker, directrice du Desmond Tutu HIV Centre de l’Université du Cap et PDG de la Desmond Tutu HIV Foundation, déclare : « La recherche de l’Institut Burnet met en lumière de manière frappante le dilemme auquel nous sommes confrontés. Si nous réduisons l’aide aux pays en première ligne de la lutte mondiale contre le VIH, le virus rebondira de manière inédite. À l’inverse, si nous choisissons de nous unir pour capitaliser sur les progrès déjà réalisés, maintenir les taux d’infection bas et soutenir la construction de systèmes de santé durables et résilients, nous pourrons éviter ce scénario. Les gouvernements donateurs doivent agir rapidement avant que la situation ne devienne incontrôlable. »

Notes aux rédactions :

  • L’étude complète est disponible ici: https://www.thelancet.com/journals/lanhiv/article/PIIS2352-3018(25)00074-8/fulltext
  • L’Institut Burnet, à Melbourne, a examiné l’impact combiné des réductions de financement de l’aide dans les cinq plus grands pays donateurs et de l’éventuelle suppression de PEPFAR qui a été suspendu par l’administration Trump en janvier.
  • Les chercheurs ont modélisé les nouvelles infections dans 26 pays avec des données existantes, qui reçoivent ensemble environ 50 % de toute l’aide internationale au VIH : Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Bélarus, Bhoutan, Cambodge, Colombie, Costa Rica, Côte d’Ivoire, République Dominicaine, Eswatini, Géorgie, Kazakhstan, Kenya, Kirghizistan, Malawi, Malaisie, Moldavie, Mongolie, Mozambique, Afrique du Sud, Sri Lanka, Tadjikistan, Ouganda, Ouzbékistan, Zimbabwe.
  •  L’étude prévoit l’incidence et la mortalité du VIH de 2025 à 2030 dans cinq scénarios différents, dont un scénario catastrophe impliquant l’arrêt de PEPFAR et une réduction combinée de 24 % du financement international pour le VIH par les cinq donateurs attendus en 2025 et 2026.
  • Dans ce scénario catastrophe, le nombre actuel de moins de 400 000 nouvelles infections par le VIH annuelles dans les 26 pays pourrait augmenter à plus de 1 million en 2026 – atteignant 1,4 million d’ici la fin de la décennie.
  • Extrapolé à tous les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI), il pourrait y avoir entre 10,75 millions d’infections supplémentaires par le VIH entre 2025 et 2030 – et 2,93 millions de décès supplémentaires liés au VIH.
  • Environ 404 200 enfants supplémentaires pourraient être infectés par le VIH (soit une augmentation de 221 %) dans les 26 pays entre 2025 et 2030, entraînant 55 600 décès d’enfants supplémentaires (soit une augmentation de 110 %) – ce qui équivaut à 882 400 infections supplémentaires et 119 600 décès supplémentaires dans tous les PRFI.
  • Depuis 2015, environ 40 % de tout le financement du VIH dans les PRFI provient des donateurs internationaux.
  • Les interventions ciblant les groupes les plus à risque – les consommateurs de drogues, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleuses du sexe et leurs clients, ainsi que les personnes trans – dépendent de manière disproportionnée du financement international.
  • Le scénario catastrophe suppose que, dans les pays recevant plus de 40 % du financement total du VIH de PEPFAR, le traitement et les tests en établissement s’arrêteraient complètement, en raison de la perte de travailleurs de la santé et des graves perturbations du système de santé.
  • L’étude sera publiée dans The Lancet HIV mercredi 26 mars à 23h30 GMT.