Une croissance économique verte pour l’Afrique


Associer les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) au changement climatique à Cancún

Résoudre la question de la pauvreté dans le monde et gérer le changement climatique sont deux défis majeurs qui détermineront ce siècle. L’interaction entre ces deux domaines sera même l’un des facteurs fondamentaux de l’accomplissement des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en Afrique. En effet, le changement climatique pourrait tout à fait compromettre tous les gains récemment acquis dans la réduction de l’extrême pauvreté, alors que le coût nécessaire pour réaliser les OMD s’accroît de 40% dès lors que l’on prend en considération la prévention contre les bouleversements climatiques [1]. En conséquence, notre approche pour atténuer et nous adapter aux changements climatiques se doit d’être ambitieuse, financée de manière adéquate, mais aussi sensible au désir de développement économique légitime de l’Afrique. C’est pourquoi Cancún peut constituer un tournant décisif si les pays y indiquent leur volonté de s’engager sur la voie d’un développement économique durable, plus équitable et susceptible de réduire la pauvreté – changement au sein duquel les économies africaines développées, les « lions africains », auront un rôle central à jouer.
Voilà pourquoi à Cancún, ONE lance un appel pour un  financement efficace et suffisant pour lutter contre le changement climatique, et pour une « croissance verte » en Afrique.

Un financement efficace et suffisant de la lutte contre le changement climatique en Afrique

Les négociations des COP (Conférences des Parties) de Cancún offriront une opportunité décisive pour faire avancer la question du financement climatique destiné aux pays les plus pauvres du monde, qui supportent le plus gros d’une crise dont ils ne sont en rien à l’origine.

Les engagements pour un financement accéléré pris à Copenhague doivent être respectés dans leur intégralité pour lancer des programmes cruciaux dans les pays en voie de développement et restaurer la confiance dans ce processus.  Le Groupe consultatif de haut niveau sur le Financement Climatique des Nations Unies (AGF) a proposé des solutions innovantes pour que le monde puisse atteindre les objectifs fixés dans l’Accord de Copenhague en termes de financement des pays en voie de développement d’ici à 2020. Les gouvernements nationaux et l’UNFCCC (la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique) doivent s’assurer que ces propositions se concrétisent. Le rapport de l’AGF doit être le début – et non la fin – d’un processus de recrutement d’experts de tous horizons pour trouver des solutions aux défis posés par le financement.
Les pays africains auront d’importants besoins en ressources pour s’adapter aux défis du développement qui surviendront en conséquence du changement climatique. Ainsi l’Africa Progress Panel estime que le financement externe nécessaire à l’Afrique pour atteindre les OMD s’accroît de 40% lorsque l’on tient compte de la prévention contre les bouleversements climatiques. De ce fait, si l’on maintient l’aide au développement en provenance de l’étranger au niveau actuel et que l’on attend d’elle qu’elle supporte ces nouveaux coûts d’adaptation, cela impliquera des réductions budgétaires préjudiciables pour d’autres programmes, tels que ceux soutenant la Santé et l’Education.

Afin de garantir que le financement climatique est dépensé le plus efficacement possible, celui-ci devrait suivre les principes de la Déclaration de Paris et de l’Agenda pour l’Action d’Accra tout en étant coordonné avec d’autres efforts d’aide au développement.

En conséquence, ONE pense qu’un sommet réussi devrait afficher les résultats suivants en matière de financement :

  • Tous les pays participant au financement accéléré acceptent d’appliquer à leurs financements les principes TRACK: les engagements doivent être Transparents, axés sur les Résultats, Additionnels, sans ambiguïté sur les Conditions posées, et les initiatives doivent faire l’objet d’un suivi pour s’assurer que les engagements ont été tenus (Kept en anglais).
  • Un Fonds écologique Universel globalisant est mis en place pour assurer la redistribution de ce financement climatique avec des mécanismes clairs garantissant une juste représentation des pays africains dans la gestion et le versement des ressources. Ceci comprend une allocation pour le financement de l’adaptation en fonction des besoins. Au moins 30% des fonds sont destinés à des projets basés en Afrique.
  •  Les conclusions du rapport du Groupe consultatif de haut niveau sur le Financement Climatique des Nations Unies (AGF) sont utilisées pour planifier l’apport des revenus à moyen terme pour le Fonds Ecologique Universel.
  • Un accord est obtenu sur la coordination des financements de l’adaptation, et des initiatives de développement de l’agriculture et de renforcement de la sécurité alimentaire dans les zones rurales, ainsi que sur une planification respectant des principes d’efficacité de l’aide.
  • Les participants expriment clairement leur engagement auprès des gouvernements africains à les soutenir à la fois sur le plan financier et sur celui du savoir, afin d’approfondir les connaissances sur les impacts domestiques du changement climatique et de renforcer les capacités à utiliser efficacement les financements climat privés et publics.

Une opportunité de « Croissance verte » pour l’Afrique

Une occasion est offerte à l’Afrique de mener le monde vers une forme alternative de développement économique vert. Ce processus est à la fois compatible avec le traitement du changement climatique et la lutte contre la pauvreté. En effet, la pauvreté énergétique sous la forme d’un accès limité à l’électricité demeure l’un des plus gros obstacles à la croissance économique africaine au bénéfice des plus démunis. Pourtant, l’Afrique dispose d’un immense potentiel dans le domaine des énergies renouvelables. Si celui-ci est développé de façon durable, les gains en matière d’emploi et de couverture en électricité, tout en faisant diminuer la dépendance en importations de pétrole, libéreront les budgets gouvernementaux qui pourront investir dans le développement d’autres secteurs.

Cependant, le soutien nécessaire pour que l’Afrique mène le monde vers la croissance verte dépasse le processus de lutte contre le changement climatique des Nations Unies. Le G20 coréen a appuyé un renforcement des « politiques de croissance verte à l’initiative des pays » et le G8 a souligné cette année, au Canada, les opportunités de création d’emplois liés aux énergies renouvelables. C’est pourquoi la présidence française de ces institutions en 2011 devrait donner la priorité à la concrétisation de ces encouragements. De même, le Comité de haut-niveau des Nations Unies sur le développement durable mondial (UN High-Level Panel on Global Sustainability) récemment créé et co-présidé par l’Afrique du Sud et la Finlande, ainsi que la présidence sud-africaine de la COP (Conférences des Parties) en 2011, pourront garantir que les progrès réalisés au Mexique sur ce concept de croissance verte auront gagné du terrain l’année prochaine.
Néanmoins, ONE estime que la COP16 (16ème Conférence des Parties) et les nations participant aux COP devraient adopter les points suivants à court terme pour mieux faire avancer cette vision de croissance durable, équitable et à faible émission de carbone :

  • La COP16 s’accorde sur une augmentation proportionnelle et rapide du transfert de technologies liées aux énergies renouvelables vers l’Afrique.
  • Les nations participant aux COP s’accordent pour aider les gouvernements africains à mettre en place des plans de croissance à faible émission de carbone, susceptibles d’attirer des financements, et qui complètent les Programmes d’action nationaux d’adaptation aux changements climatiques (National Adaptation Programmes of Action) et les Actions d’atténuation appropriées au niveau national (Nationally Appropriate Mitigation Actions). Les plans de croissance à faible émission de carbone des gouvernements africains devraient inclure des actions clairement quantifiées (en termes de nombre d’individus sortis de la pauvreté énergétique, nombre d’emplois locaux créés, etc.)
  • Les nations des COP soutiennent la Banque africaine de développement (BAD) afin qu’elle établisse une « fenêtre de croissance verte » avec des scénarios de financement clairs. Cela peut être réalisé à travers le Fonds Vert pour l’Afrique proposé par la BAD à Cancún, qui devrait placer la croissance verte au même degré de priorité que l’atténuation et l’adaptation.
  • Les nations des COP et/ou les institutions internationales mettent en place des plans de garantie de prêts afin d’encourager des investissements dans des projets d’énergies renouvelables en Afrique qui ne nuisent pas à la sécurité alimentaire (Le Programme de financement de l’efficacité énergétique des services publics de la Chine soutenu par la Société financière Internationale offre un excellent modèle de ce point de vue).
  • Il convient de s’assurer que toute réforme du Mécanisme de Développement Propre se focalise davantage sur l’Afrique et apporte un soutien supplémentaire à la production d’énergies renouvelables sur le continent.
  • La COP16 (16ème Conférence des Parties) réaffirme la valeur des forêts africaines à la fois pour réduire le changement climatique et en tant que source d’opportunités économiques pour les populations rurales. Elle confirme également qu’elle accélère les avancées sur le cadre du programme REDD+ sur la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement.

[1] De ‘Adaptation to Climate Resilient Development’ (de l’adaptation à un développement résistant au climat), Frankhauser, S. et G Schmidt-Traub, APP 2010