LE G20 ET L’AFRIQUE – ŒUVRER ENSEMBLE POUR LA CROISSANCE ET LE DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE

Les mutations en Afrique défient les stéréotypes véhiculés au sujet de ce continent. L’Afrique compte près d’1 milliard de consommateurs et le taux de croissance de son économie devrait avoisiner les 6% au cours des cinq années à venir. En sus de la multiplication d’opportunités économiques sur le continent, la transparence des opérations gagne du terrain dans les secteurs public comme privé, tout comme la démocratie. Les liens entre l’Afrique et le reste du monde changent aussi. L’ère des relations unilatérales, de la distribution de l’aide est révolue, les relations se fondent de plus en plus sur les investissements et opportunités d’échanges réciproques et voient émerger des partenariats mieux équilibrés.

L’Afrique a un rôle à jouer dans la résolution des défis mondiaux d’aujourd’hui. Mais le continent doit aussi répondre à des enjeux majeurs qui lui sont propres : accroître la production alimentaire, transformer les taux de croissance élevés en développement économique et social pour tous et garantir que les dirigeants nationaux œuvrent au bien-être de leurs citoyens.

La présidence française du G20 doit saisir cette opportunité unique qui lui est offerte de soutenir et de promouvoir le développement de l’Afrique. Le Président Sarkozy a inscrit le développement parmi les grandes priorités du G20, aux côtés de la sécurité alimentaire, les infrastructures et la protection sociale. Il s’est engagé à mettre sur pied un mécanisme de financement innovant pour le développement dans le cadre du G20 d’ici la fin de l’année. En juin, une réunion ministérielle inédite fut organisée par le G20 sur l’agriculture dédiée principalement à la sécurité alimentaire et la volatilité des prix alimentaires. Autre innovation de la présidence française, la tenue d’une réunion conjointe des Ministres des Finances et des Ministres du Développement qui a eu lieu les 22 et 23 septembre. La France, qui assume également la présidence du G8 cette année, a cherché à rationaliser les deux processus autant que possible et soutient l’idée que le développement est une priorité incombant plutôt au G20, y compris aux bailleurs de fonds des pays émergents, qu’au G8. Le G20 a la responsabilité et l’opportunité sans précédent de prendre la tête des efforts mondiaux en faveur du développement.

ONE en appelle au G20 pour être le chef de file d’initiatives qui changeront la donne sur les sujets suivants :

  • L’accroissement des ressources et de leur efficacité dans la lutte pour la sécurité alimentaire
  • L’augmentation des financements consacrés au développement
  • La promotion de la bonne gouvernance et de la transparence
  • Le soutien apporté au développement d’une croissance durable et inclusive.

La priorité dans tous ces domaines doit être de promouvoir la responsabilité et l’obligation de rendre des comptes.

Accroître les ressources et leur efficacité dans la lutte pour la sécurité alimentaire

Un des meilleurs moyens de réduire la pauvreté en Afrique est d’investir dans l’agriculture. L’agriculture représente environ 30% du PIB du continent et constitue la source principale de revenus de deux Africains sur trois. Lorsque les petits exploitants ont un accès stable aux marchés, ils peuvent vivre de leur production, scolariser leurs enfants et contribuer à sortir leur communauté durablement de la pauvreté. C’est cet effet multiplicateur qui explique pourquoi l’on considère que les investissements agricoles sont deux à quatre fois plus efficaces dans la lutte contre la pauvreté que la croissance de tout autre secteur d’activité.

Ceci prend d’autant plus d’importance que les prix des denrées alimentaires atteignent de nouveau un pic historique et que plus de 13 millions de personnes sont menacées de famine dans la Corne de l’Afrique. Près de deux ans ont passé depuis le Sommet de l’Aquila et les bailleurs de fonds n’ont toujours pas défini quand et comment ils honoreraient leurs engagements, sans parler des éventuelles solutions aux problèmes grandissants entraînés par l’envolée rapide des prix alimentaires. D’après la Banque mondiale, 44 millions de personnes de plus ont rejoint les rangs de la pauvreté depuis juin 2010 en raison de la hausse des prix alimentaires. Il faut également mentionner la recrudescence d’opérations d’achat et d’investissement fonciers de grande échelle ces dernières années, souvent le fait d’acteurs étrangers. La faible transparence de ces opérations « d’accaparement des terres » pose la question du respect des droits fonciers des populations locales.

Parallèlement, le secteur privé est un élément clé nécessaire pour améliorer la sécurité alimentaire : il crée des opportunités d’emplois et  réduit les barrières au commerce agricole. Cependant, en comparaison à d’autres secteurs, l’agriculture présente de plus grands obstacles aux investissements privés en raison de la diversité des terres, de mauvaises infrastructures et d’une faible densité de population. Un marché fragile est synonyme de rendements potentiellement plus faibles. Pour mettre en lumière l’énorme potentiel de l’agriculture africaine, il faudra attirer l’investissement privé ce qui nécessitera des politiques et des règles qui permettront d’améliorer l’environnement des affaires, le développement et l’amélioration des infrastructures liées aux transports, aux télécommunications, à l’énergie et à l’eau  et des mécanismes novateurs de gestions des risques.

Afin de faire de l’agriculture le moteur du développement de l’Afrique, ONE encourage le G20 à :

Augmenter les ressources dédiées à l’agriculture et à la sécurité alimentaire

  • Reconnaître le besoin pressant d’investissements d’urgence et d’investissements à long terme,  lancer un appel à la communauté internationale pour financer la totalité de l’appel de l’ONU pour la Corne de l’Afrique et augmenter les efforts de développement à court ou long terme dans la région.
  • Réaffirmer l’engagement pris par le G20 en 2009 à L’Aquila d’accroître les fonds disponibles pour le développement agricole à long terme et s’accorder à définir une feuille de route pour honorer ces engagements qualitatifs et quantitatifs d’ici 2015.
  • Convenir d’œuvrer vers la définition d’un cadre et d’engagements de tous les membres du G20 en faveur d’investissements sur le long terme consacrés à la productivité agricole et à l’accès à l’alimentation dans les pays en développement, à adopter lors de la prochaine réunion du G20 à Mexico.
  • Lancer un appel aux dirigeants africains pour qu’ils appliquent en toute transparence l’engagement de Maputo de consacrer au minimum 10% des budgets nationaux à l’agriculture.
  • Reconnaître les efforts consentis et les premières victoires du Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire (GAFSP), exiger que les bailleurs de fonds existants honorent leurs promesses de financement et lancer un appel à des levées de fonds supplémentaires dans le contexte d’une crise alimentaire persistante et l’émergence de perspectives nouvelles pour les investissements dans la productivité agricole.
  • S’engager à financer intégralement le Fonds international de développement agricole (IFAD) lors de la 8ème conférence de reconstitution en décembre 2011, afin de lui permettre de continuer à aider les femmes et hommes pauvres du milieu rural  à augmenter leurs revenus et à améliorer leur sécurité alimentaire.

Réduire la volatilité des prix des denrées alimentaires

  • Définir des mesures réglementaires, dont la création de limites de position pour les dérivés alimentaires de gré à gré et les contrats à terme de denrées alimentaires négociés par les fonds indiciels ainsi que l’obligation de soumettre tous les dérivés de matières premières à des procédures de notification, de compensation et de suivi. Des organismes de réglementation appropriés ad hoc doivent veiller à la mise en œuvre effective de ces mesures.
  • Se féliciter des efforts de l’UE pour mettre sur pied une commission de régulation des marchés à terme.
  • S’engager à rendre plus transparentes les informations concernant les stocks de céréales disponibles au moyen d’un Système d’Information sur les Marchés Agricoles (AMIS).

Empêcher “l’accaparement des terres”

  • Créer une commission en charge de présenter au groupe des ministres des Finances du G20 d’ici juin 2012 un rapport proposant une liste de principes régulant l’acquisition transparente et juste des terres dans les pays en développement afin de protéger les droits et de promouvoir le développement durable des petites exploitations et des communautés rurales.

Améliorer la gestion des risques agricoles dans les pays pauvres

  • Reconnaître que les investissements dans les programmes de gestion des risques agricoles et de protection des revenus permettent d’amortir l’impact des envolées de prix et de renforcer la résilience des pays pauvres et des agriculteurs pauvres face à la flambée des prix.
  • Se féliciter de la création d’une boîte à outils de gestion de risque et s’engager à présenter chaque année l’état d’avancement de la mise en œuvre de ce dispositif.

Permettre les investissements du secteur privé

  • S’engager à améliorer la mise en commun des capitaux publics et privés dans des fonds nouveaux et existants pour financer des opportunités commerciales dans des domaines souvent négligés. Alors que le potentiel pour le développement pourrait être considérable, les fonds doivent répondre aux besoins des petits agriculteurs sans avoir d’impact négatif sur les communautés rurales.
  • Convenir d’étendre l’Autorité américaine de crédit de développement (US Development Credit Authority) et autres programmes similaires de manière intelligente et prudente pour fournir aux agriculteurs défavorisés le capital nécessaire pour développer leurs petites entreprises et leurs revenus.
  •  Décider de lancer des Garanties de marché (AMC) pour l’agriculture afin de promouvoir le développement et le déploiement rapides des technologies telles que des semences et engrais adaptés dans les zones reculées. En garantissant un marché d’avenir pour des produits efficaces, les Garanties de marché incitent les entreprises privées à faire preuve de créativité et augmenter leurs investissements.

Promouvoir la bonne gouvernance et la transparence

La bonne gouvernance est la clé du développement durable pour tous. L’absence de gouvernement efficace et transparent au service de ses citoyens empêche le développement du secteur privé et de la société civile et augmente le risque d’utilisation inefficace des ressources nationales et internationales pour le développement. C’est tout particulièrement le cas pour l’industrie extractive, secteur qui génère les plus grosses recettes d’Afrique, plus de neuf fois le montant total de l’aide internationale. Toutefois, les pays africains richement dotés de ressources ont trop longtemps été le berceau d’institutions financières et politiques faibles, terrain fertile pour la corruption et la mauvaise gestion des ressources. Le premier pas vers la résolution de ces problèmes est d’assurer une transparence accrue : ainsi les investisseurs et la société civile ont accès à l’information nécessaire pour prendre des décisions commerciales avisées et demander des comptes aux dirigeants. L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) contribue à renforcer les capacités de la société civile à demander des comptes à leur gouvernement dans les pays en développement dotés de ressources abondantes tandis que la Charte sur les ressources naturelles offre un cadre plus vaste de promotion du développement durable global. Cette application systématique des principes de la transparence est aujourd’hui dupliquée dans d’autres secteurs économiques moteurs de la croissance africaine. Citons l’Initiative pour la transparence dans le secteur de la construction qui a pour objectif d’améliorer l’efficacité des projets de construction à financement public qui sont souvent freinés par la mauvaise gestion, le gaspillage et la corruption.

Toutefois, si de tels principes directeurs et de telles initiatives sont des outils efficaces, ils ne remplacent pas la législation et la ratification de conventions internationales qui sont la seule garantie d’une concurrence juste et non-faussée. Dans l’industrie extractive, un bon exemple est celui de la Loi Dodd-Frank adoptée en juillet 2010 aux Etats-Unis. Il est également crucial que les citoyens aient accès à l’information et puissent l’utiliser comme levier, ce que permettrait la généralisation de l’accès à internet.
Afin de promouvoir la bonne gouvernance et la transparence comme leviers du développement en Afrique, ONE encourage le G20 à :

Rendre la gestion des ressources naturelles plus transparente

  • S’engager à adopter et appliquer des lois et réglementations de transparence obligeant les entreprises des secteurs pétrolier, gazier et minier à divulguer, pour chaque pays où ils sont présents, leurs données financières, projet par projet et pays par pays.
  • Soutenir l’ITIE qui joue un rôle majeur dans la constitution de groupes  multi-partites visant à promouvoir la transparence et la responsabilité.
  • Adopter les principes de la Charte sur les ressources naturelles au niveau régional (UA) et national comme cadre de promotion du développement durable global.

Appliquer le Plan d’action du Groupe de travail contre la corruption du G20 et aller au-delà

  • Garantir que tous les membres ont ratifié la Convention des Nations unies contre la corruption et l’appliquent avec rigueur.
  • Encourager, par le truchement du Groupe de travail contre la corruption, l’initiative StAR (Stolen Asset Recovery, restitution des avoirs détournés) de la Banque mondiale.
  • Appliquer les principes de transparence à d’autres secteurs – par exemple, inclure dans les recommandations du Groupe de travail sur les infrastructures la nécessité de renforcer l’Initiative pour la transparence dans le secteur de la construction.

Augmenter les financements consacrés au développement

Lors de l’adoption par les dirigeants mondiaux des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en 2000, il était clair que des ressources supplémentaires seraient nécessaires pour atteindre les objectifs ambitieux. Lors du Sommet du G8 à Gleneagles en 2005, le G7 et d’autres bailleurs ont approuvé le doublement de l’aide au développement à destination de l’Afrique à l’horizon 2010 [1]. Seule une minorité de pays a atteint leurs objectifs et les promesses de 2005 ont été déçues à l’heure des comptes fin 2010.

De nombreux membres du G20, autres que ceux du G8, sont aujourd’hui des bailleurs conséquents. Selon le Comité de l’aide au développement (CAD) de l’OCDE, les pays non-G8 du G20 consacrent environ 12 à 14 milliards de dollars à l’aide au développement par an [2]. La plupart de ces nouveaux bailleurs ne communiquent pas leurs chiffres d’APD au CAD ce qui explique le peu d’information disponible sur ces investissements, leur impact et leur efficacité. Les pays non-membres du CAD sont encouragés à communiquer au CAD, de façon transparente et sous format normalisé, les informations concernant le montant annuel d’aide au développement versé. En effet, la qualité de l’aide est aussi importante que la quantité et le quatrième Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide en Corée du Sud est l’occasion pour les donateurs de réaffirmer (ou d’annoncer dans le cas des nouveaux bailleurs) leur engagement en faveur d’une amélioration de l’utilisation des fonds et d’une plus grande efficacité de l’aide.

L’augmentation des ressources nationales est également incontournable pour assurer le développement et les gouvernements africains ont affiché leur volonté d’accroître les investissements nationaux dans les secteurs économiques clés. Or, en 2008, seuls dix pays africains sur quarante-cinq étudiés consacraient 10% de leur budget national à l’agriculture conformément aux engagements de Maputo et en 2006, ils n’étaient que six à tenir l’objectif convenu à Abuja d’allouer 15% de leur budget national à la santé [3].

Au-delà de ces financements prévus, il ne fait pas de doute que des ressources supplémentaires seront indispensables pour assurer le développement et à cette fin, plusieurs mécanismes de financement innovants ont été imaginés. Ces mécanismes ont d’ores et déjà apporté leur contribution ces dernières années. De 2000 à 2008, les mécanismes de financement innovants ont permis de lever plus de 57 milliards de dollars, soit 4,5% de l’APD totale brute [4]. Une autre source de financement encore inexploitée est la diaspora : un grand emprunt africain financé principalement par la diaspora pourrait mobiliser les ressources nécessaires pour des projets d’infrastructures régionales. Certains de ces mécanismes invitent le secteur privé à accroître sa participation dans le développement mondial et s’articulent ainsi parfaitement avec le « Consensus de Séoul sur le développement ».

Afin de mobiliser des fonds supplémentaires pour le développement et garantir le bon usage fait de ces ressources en vue du développement de l’Afrique, ONE encourage le G20 à :

Honorer ses engagements d’augmentation et d’amélioration de l’aide

  • Les bailleurs de fonds qui n’ont pas honoré leurs engagements pour 2010 doivent établir un plan d’action afin d’atteindre les objectifs fixés aussi rapidement que possible. Les bailleurs qui n’ont pas défini d’objectifs d’aide au développement pour l’après-2010 doivent le faire et fixer un calendrier détaillé des objectifs et des dates de livraison de l’aide à l’Afrique subsaharienne.
  • En novembre lors du quatrième Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide en Corée du Sud, les Etats doivent réaffirmer (ou adopter dans le cas des nouveaux bailleurs) des principes solides d’efficacité de l’aide.
  • Garantir que tous les engagements pris sont conformes aux principes « TRACK », c’est-à-dire qu’ils sont transparents, axés sur les résultats, accompagnés d’une définition claire de leur additionalité et de leur conditionnalité et l’avancement doit être surveillé et suivi par un mécanisme indépendant pour garantir que les promesses faites sont tenues.

Promouvoir la mobilisation des ressources nationales

  • Encourager les pays en développement à améliorer leurs politiques et dispositifs fiscaux afin de constituer un socle de recettes stable pour financer des programmes nationaux de développement.
  • Prendre l’engagement de soutenir ces efforts par le biais notamment de l’expertise technique et le partage des leçons apprises.
  • Réaffirmer la volonté de travailler ensemble vers une plus grande transparence et de meilleurs échanges d’information entre les centres financiers et s’engager à rendre disponibles aux citoyens et à la société civile dans tous les pays les informations concernant tous les flux financiers, publics ou privés.

Mettre sur pied des financements innovants pour le développement

  • Soutenir le rapport de Bill Gates sur le financement des efforts de développement commandité par Nicolas Sarkozy pour le G20. Les chefs d’Etat doivent prendre l’engagement d’en appliquer les recommandations.
  • Créer un groupe pionnier de membres du G20 qui appliqueraient une taxe sur les transactions financières (TTF) d’ici la fin de l’année et reverseraient au moins la moitié des fonds levés à la lutte contre la pauvreté et le changement climatique dans les pays en développement, tout particulièrement en Afrique.
  • De plus, d’ici la fin de l’année, tous les pays du G20 non-membres du groupe ayant adopté une TTF pour le développement et le climat doivent s’accorder à adopter seuls ou collectivement au moins un mécanisme de financement innovant afin de contribuer à l’accroissement des ressources pour le développement.
  • Réaffirmer l’engagement pris de réduire plus avant le coût considérable des envois de fonds conformément à la promesse faite en 2009 à L’Aquila. Les chefs d’Etat doivent annoncer leur volonté d’abaisser de 5% en moyenne les coûts des envois de fonds d’ici 2014 et d’agir contre les pics de prix saisonniers identifiés par la Banque mondiale.

Encourager une croissance durable et inclusive

Le Consensus de Séoul sur le développement définit les diverses politiques de promotion de la croissance africaine envisageables. Toutefois, afin de contribuer efficacement à la lutte contre la pauvreté, la croissance économique doit être canalisée pour qu’elle soit équitable et qu’elle profite à tous autant que possible.
De grandes inégalités au sein d’une société non seulement excluent les plus pauvres de la croissance et de ses avantages, elles peuvent également coûter cher à la société en termes économiques [5] et mettre en péril la croissance future. Les politiques qui visent uniquement à augmenter le taux de croissance moyen sans cibler les inégalités ou les contrebalancer courent le risque d’aggraver la situation de pauvreté, tout particulièrement dans les pays à fortes inégalités. Le meilleur moyen d’assurer que la croissance économique contribue à l’éradication de la pauvreté est de promouvoir une croissance bien répartie et équilibrée d’une intensité maîtrisée. Négliger cette réalité pourrait fortement compromettre les efforts de réduction de la pauvreté.

Un des secteurs-clés de la croissance pro-pauvre est le secteur des infrastructures et le G20 peut apporter une contribution significative dans ce domaine. L’absence d’accès aux infrastructures de transport, d’énergie, d’assainissement et d’irrigation fait reculer l’activité économique et entraîne des réductions de la production qui peuvent atteindre 40%. Toutefois, les investissements dans les infrastructures font cruellement défaut en Afrique subsaharienne : selon des estimations récentes de la Banque africaine de développement (BAD), le déficit d’investissement dans les infrastructures en Afrique est de plus de 45 milliards de dollars par an. 70% de la population du continent est privée d’accès à l’électricité, 95% de l’agriculture est non-irriguée et la majorité de la population rurale n’est pas reliée aux marchés par des routes praticables. L’Afrique subsaharienne manque encore d’infrastructures de base essentielles pour le développement humain, la création de marchés viables et la lutte efficace contre la pauvreté. Ce sont trop souvent les plus pauvres qui paient le prix fort, tant en termes financiers qu’en temps passé, pour accéder à des services de base tels que les soins de santé, l’éducation et les infrastructures d’assainissement. Or, l’atteinte des objectifs du Millénaire pour le développement est étroitement liée à l’accès aux infrastructures de base.

L’Afrique ne représente que 3,3% des échanges commerciaux mondiaux. L’intensification des échanges intercontinentaux et mondiaux, sous condition que les populations pauvres en soient parties prenantes, contribuerait grandement à générer la croissance économique et à lutter contre la pauvreté. L’Afrique souffre encore de nombreux obstacles internes au commerce : l’absence d’infrastructures régionales, des coûts de transport élevés, des barrières tarifaires importantes sur des biens pour lesquels le continent jouit pourtant d’un avantage comparatif, les subventions agricoles dans les pays développés, les règles d’éligibilité aux régimes de préférence commerciale qui sont à la fois onéreuses et complexes (telles les règles d’origine) et les faibles capacités de production. A l’échelle régionale, les pays n’ont appliqué que partiellement les accords de réduction des obstacles au commerce visant à promouvoir une meilleure intégration économique et physique de leurs marchés. Le développement d’infrastructures régionales est crucial à cet égard.

Afin de garantir que la croissance contribue au développement de l’Afrique et à l’éradication de la pauvreté, ONE encourage le G20 à :

Promouvoir les infrastructures pro-pauvres

  • Apporter son soutien aux principes de l’OCDE sur le rôle des infrastructures dans la lutte contre la pauvreté, ceux pour les entreprises multinationales et les principes Ruggie de l’ONU et encourager l’utilisation de critères d’investissement durables et pro-pauvres pour tout projet d’infrastructure, y compris ceux financés par des fonds privés.
  • Promouvoir les projets identifiés par le groupe d’experts de haut niveau sur les investissements dans les infrastructures et les soumettre à une évaluation d’impact social et environnemental. Promouvoir l’Initiative pour la transparence dans le secteur de la construction et lancer un appel à toutes les entreprises actives dans ce secteur à rejoindre l’Initiative.
  • Organiser une conférence d’ici la fin de l’année afin de lancer une initiative en faveur de l’investissement des fonds souverains dans les infrastructures pro-pauvres. L’objectif de cette initiative serait de coordonner les financements provenant des fonds souverains pour les investir dans des projets d’infrastructures énergétique, hydrique, d’assainissement et de transport à but pro-pauvre en Afrique. Cette initiative serait également l’occasion d’étudier de nouveaux moyens de mobiliser des fonds supplémentaires pour l’entretien des infrastructures et de présenter des propositions concrètes en ce sens au G20 l’année prochaine.
  • Soutenir l’initiative de la Banque africaine de développement de créer une place de marché électronique pour les infrastructures africaines.

Garantir une croissance pour tous

  • faire le suivi de l’inégalité et la distribution des richesses, en complément du suivi habituel des taux de croissance et demander au FMI de faire du suivi de l’inégalité une partie intégrale des consultations pays de l’article IV.

1. Afin de doubler collectivement l’aide au développement pour l’Afrique, le G8 a pris l’engagement d’augmenter les budgets qui y sont alloués pour atteindre 25 milliards de dollars par an en 2010 ($22.6 milliards de dollars à prix constants avec pour année de référence 2009).

3. OCDE et CEA-NU. 2010 Examen mutuel de l’efficacité du développement en Afrique. http://www.oecd.org/document/48/0,3746,en_37489563_37489442_42169968_1_1_1_1,00.html

4. Banque mondiale, “Innovative Development Finance”, de Navin Girishankar. Ce chiffre inclut des émissions d’obligations en devise locale et donc ne représente pas uniquement des financements innovants provenant des bailleurs de fonds.

5. Ramcharan R (2010) “Inégalités intenables” Finances et Développement, Sept 2010, p. 24-25, FMI, Washington.