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Nouvelles routes de la soie, dix ans déjà

Analyse

Cette semaine dans Ondes de choc : analyse des « nouvelles routes de la soie » chinoises qui fêtent leur 10e anniversaire, les réunions de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) à Marrakech, et des progrès réalisés en matière de restructuration de la dette.

ACTUALITES

Une ceinture à 1 000 milliards de dollars : Des dizaines de chefs d’État et de gouvernement – dont William Ruto (Kenya), Abiy Ahmed (Éthiopie), Denis Sassou Nguesso (République du Congo) et Vladimir Poutine (Russie) – se sont réunis cette semaine en Chine pour célébrer le dixième anniversaire de l’initiative « des nouvelles routes de la soie », aussi nommée « la ceinture et la route ». Cette initiative a permis d’investir 1 000 milliards de dollars dans 149 pays, 3 000 projets et 420 000 emplois, et pour des infrastructures essentielles telles que des chemins de fer, des ports, des ponts et des parcs éoliens. Alors que beaucoup s’interrogent sur la viabilité économique de ce grand pari (sans parler de la lourde dette imposée à certains pays, sur laquelle nous nous penchons ici), la Chine a atteint son objectif principal : étendre son influence au niveau mondial. Dans un sondage réalisé en 2022 auprès de jeunes africains, la Chine a été classée comme la puissance étrangère la plus influente, devant les États-Unis. 👀

La fin de l’abondance : L’économie chancelante de la Chine entraîne un recul des largesses consenties au cours de la dernière décennie. Les problèmes des promoteurs immobiliers Evergrande et Country Garden, soutenus par l’État chinois, posent des défis majeurs à la superpuissance : la semaine dernière, le FMI a revu à la baisse les prévisions de croissance de la Chine pour 2023, les ramenant de 5,2 % à 5 %. Cela a des répercussions sur les pays africains : la Chine a ainsi restructuré un grand nombre de ses prêts aux pays qui peinent à les rembourser, mais elle a refusé d’annuler la dette et a réduit l’ampleur de ses financements.

Le chantier du Lunatic express : Malgré un problème d’endettement croissant, le président du Kenya William Ruto, cherche à obtenir un prêt supplémentaire d’un milliard de dollars auprès de la Chine pour financer des infrastructures. Il s’agit notamment de financer des projets routiers à l’arrêt et d’alléger le remboursement d’un prêt chinois pour une ligne ferroviaire reliant le lac Victoria à Mombasa. Ce chemin de fer – qui a remplacé une ligne construite par les Britanniques, le Lunatic Express – devait à l’origine relier l’Ouganda et d’autres pays enclavés au port maritime du Kenya, mais l’Ouganda s’est retiré du projet. Ailleurs sur le continent, l’Éthiopie a obtenu une suspension de sa dette pour les prêts arrivant à échéance en 2023-24, après avoir annoncé un partenariat stratégique « All Weather » avec la Chine. La Zambie a quant à elle conclu un accord avec ses créanciers officiels pour restructurer sa dette. Le pays d’Afrique de l’Est n’a eu à attendre que 985 jours. 🕰️

Plus légère et plus verte : Les dix prochaines années de l’initiative « des nouvelles routes de la soie » seront plus modestes et plus vertes. Les restrictions de crédit imposées aux banques chinoises signifient que les opérations d’investissement sont 50 % moins importantes qu’il y a cinq ans, et que Pékin mutualise de plus en plus les risques avec d’autres investisseurs. Mais cela ne signifie pas que l’ambition est moindre. Deux livres blancs publiés ce mois-ci par Pékin évoquent une « communauté internationale de l’avenir partagé » – l’initiative a été proposée par la Chine, mais elle appartient au monde entier. Elle serait plus inclusive et moins moralisatrice que celles menées par les puissances occidentales « hégémoniques » qui, rechercheraient un « jeu sans gagnant ». Des experts affirment que la Chine passe de la construction de ponts aux déviations routières de la gouvernance mondiale.

Plan Marshall, mais vert : Les difficultés économiques de la Chine n’ont pas empêché le président Xi Jinping d’afficher l’ampleur impériale de son ambition. Dans son discours d’ouverture, il a clairement indiqué que « la Chine ne peut se porter bien que si le monde se porte bien. Lorsque la Chine se portera bien, le monde ira encore mieux ». Se moquant de la politique américaine de « friend shoring » – la délocalisation chez des pays amis -, il a déclaré : « Nous nous opposons aux sanctions unilatérales, à la coercition économique, au découplage et à la perturbation de la chaîne d’approvisionnement ». Dans ce qui ressemble à un plan Marshall vert des temps modernes, il a annoncé la suppression des restrictions à l’investissement, un financement de 430 milliards de RMB (58 milliards de dollars) et des accords de coopération à hauteur de 97 milliards de dollars, l’écologisation de l’initiative et le renforcement des institutions.

A la recherche d’alternatives : Le G7, les États-Unis et l’UE ont proposé un certain nombre d’alternatives à l’initiative « des nouvelles routes de la soie ». Mais les sceptiques s’interrogent à juste titre sur ces propositions. L’initiative « Build Back Better World » (construire un monde meilleur) du G7 annonçait une transformation des infrastructures mondiales. Mais elle n’a bénéficié que d’un financement suffisant pour acheter l’équivalent de la moitié d’un escalator pour le métro de New York. La stratégie Global Getaway de l’UE a annoncé un programme de 300 milliards d’euros. Mais personne, à l’intérieur ou à l’extérieur des institutions européennes, n’est en mesure d’expliquer d’où vient l’argent ni où il va. L’alternative la plus récemment annoncée par le G7, le Partenariat pour l’infrastructure et l’investissement mondiaux, vise à réunir 600 milliards de dollars d’ici à 2027 pour financer le développement de tout ce qui va des « infrastructures résistantes au climat » aux « réseaux sécurisés de technologies de l’information et de la communication ». Le président américain Joe Biden a annoncé le mois dernier que les États-Unis et l’Union européenne allaient s’associer pour construire une voie ferrée à travers le continent africain. Il n’a pas précisé quand les Africains pourraient l’emprunter. 👀

Rapidité et ampleur : Le Comité du développement de la Banque mondiale a adopté un plan de réforme qui pourrait commencer à débloquer le type de financement nécessaire plus vite qu’un investisseur chinois. Le document, intitulé « Ending Poverty on a Liveable Planet » (Mettre fin à la pauvreté sur une planète vivable) présente un plan visant à augmenter les prêts de 100 milliards de dollars (si les actionnaires font ce qu’on leur demande de faire). La banque réduira son tableau de bord de 153 éléments à environ 20 et réduira d’un tiers le temps d’examen et d’approbation des projets.

Dernier appel : Les États-Unis ont fixé la date d’avril 2024 pour débloquer le capital exigible des banques de développement. Cette garantie de 2 000 milliards de dollars, si elle est incluse dans l’évaluation des risques, pourrait permettre à la Banque mondiale de prêter à elle seule 500 milliards de dollars supplémentaires sans mettre en péril sa notation AAA tant convoitée. Certains affirment que la Banque mondiale travaille actuellement à l’élaboration d’un cahier des charges pour cet accord. Le contre-argument – selon lequel l’inclusion de cette disposition pourrait créer trop de risques – ne semble pas tenir la route : la Banque mondiale pourrait cesser d’être remboursée sur les prêts en cours pendant trois ans avant de courir un risque réel de préjudice financier. À l’approche des élections américaines de l’année prochaine, il s’agit peut-être de la dernière chance de parvenir à un accord. Alors que le monde s’embrase et que des investissements urgents sont nécessaires, laisser cet argent sur la table serait catastrophique.

Et nous, alors ? Alors que l’accent est mis sur l’augmentation des prêts aux pays à revenu intermédiaire, les pays à revenu faible se demandent à juste titre s’ils ont été oubliés, d’autant plus qu’ils sont confrontés à des menaces climatiques croissantes et à un endettement de plus en plus lourd. Un nouveau rapport du G20 préconise de tripler les capacités de l’IDA, le fonds de la Banque mondiale destiné aux pays à revenu faible. Mais seule la Chine s’est montrée disposée à injecter davantage d’argent… à condition d’acquérir plus d’influence au sein de la Banque. Lors de la dernière reconstitution des ressources, l’ancien principal donateur de l’IDA, le Royaume-Uni, a réduit son chèque de moitié. Les préparatifs de l’examen à mi-parcours de l’IDA20, qui aura lieu en Tanzanie en décembre, ont débuté.

L’ÉQUIPE DE ONE EN ACTION : 

  • Lors des Journées du plaidoyer les 9 et 10 octobre derniers, les jeunes Ambassadeurs et Ambassadrices de ONE ont pu rencontrer près de 20 députés et collaborateurs, ce qui prouve que malgré la situation actuelle en France et à l’étranger, ces derniers sont à l’écoute de la jeunesse. Leur mobilisation a payé puisque deux amendements relatifs à la taxe sur les transactions financières ont été adoptés en commission des finances, et un autre relatif à la trajectoire des 0,7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement en commission des affaires étrangères.
  • Ces amendements sont maintenant menacés par l’utilisation du 49-3 pour le PLF 2024. Pour éviter de voir ce succès démocratique se transformer en échec, partagez notre post pour interpeller le gouvernement et lui demander de conserver ces amendements dans le texte final.
  • Les jeunes Ambassadeurs et Ambassadrices ont été invités dans différents médias pour l’occasion. Manon, Houda et Ilyes ont échangé sur leurs rencontres avec les députés à la Matinale de 19h de Radio Campus Paris. À la matinale de France Bleu Normandie, c’est Laïla qui a représenté ONE.
  • Ce mardi 17 octobre était célébrée la Journée mondiale pour l’élimination de la pauvreté. Or, pour la première fois depuis les années 1990, l’extrême pauvreté dans le monde augmente. Nos jeunes Ambassadrices vous présentent cinq facteurs qui expliquent cette situation.

LES CHIFFRES :

  • 378 milliards de dollars : C’est le montant des dépenses des Big Pharmas pendant la pandémie pour les dividendes, les rachats d’actions et la rémunération des dirigeants des entreprises pharmaceutiques. Cela équivaut à 90 % de ce qu’elles ont dépensé en recherche et développement au cours de la même période.
  • 994 millions de dollars : C’est le montant des prêts de la Chine à l’Afrique en 2022, contre 28,4 milliards de dollars en 2016. 
  • 0,3% : Le pourcentage d’augmentation du PIB africain pour chaque augmentation de 1 % des prêts chinois.

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