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De l’interdépendance entre commerce mondial et santé

ONE

Grande nouvelle ! L’Organisation mondiale du commerce (OMC) vient de nommer sa nouvelle directrice générale, la nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, faisant d’elle la première femme et la première dirigeante africaine à la tête de l’institution. Elle arrive avec une nouvelle énergie mais aussi un bagage d’expériences assez incroyable : ancienne vice-présidente de la Banque mondiale, ancienne ministre des Finances du Nigeria, ancienne présidente du conseil d’administration de Gavi, l’Alliance du vaccin, mais aussi… ancienne membre du conseil d’administration de ONE. En dehors de cet incroyable CV, Ngozi Okonjo-Iweala est aussi porteuse d’une vision et elle a passé sa vie à défendre une cause qui lui est chère : celle d’un développement durable et équitable, et d’un monde qui fonctionne bien, et ce pour chaque personne qui le constitue. 

Parlons des commentaires peu conventionnels de la nouvelle directrice générale. Elle a déclaré à la BBC, en s’appuyant sur un nouveau rapport de la Chambre de commerce internationale, que l’économie mondiale pourrait perdre 9 000 milliards de dollars si la moitié de la population vivant dans les pays riches bénéficie du vaccin contre le COVID-19 d’ici mi-2021, mais que les pays pauvres ne vaccinent pas leurs populations au même moment.

“La moitié de ce coût sera à la charge des pays riches”, a-t-elle déclaré à la BBC, en ajoutant que “…nous devons comprendre qu’il est tout autant dans l’intérêt des pays riches que des pays pauvres d’avoir un accès équitable aux vaccins”. C’est assez logique finalement.

Pourquoi cette question est-elle cruciale ? Cela fait un an que nous vivons une pandémie mondiale et le virus continue de gagner du terrain. Mais, alors que le nécessaire n’a pas encore été fait pour élaborer une réponse globale à la pandémie, de multiples vaccins sûrs et efficaces ont déjà été développés. Et c’est déjà IMMENSE.  Il s’agit maintenant de faire en sorte que les vaccins soient accessibles à toutes et tous, partout et rapidement, car notre incapacité à déployer des vaccins à l’échelle mondiale et de manière simultanée donne au virus la possibilité de se propager et de muter.

Nous pouvons relever ce défi mondial. Mais pour cela, nous devons : 

  • Continuer à augmenter le financement de COVAX, ce mécanisme qui permet aux pays à faible revenu d’avoir accès aux vaccins contre le COVID-19 : c’est ce que les dirigeants du G7 ont décidé de continuer à faire la semaine dernière.
  • Mobiliser les fonds supplémentaires nécessaires afin de permettre à tous les pays de couvrir leurs besoins en vaccins.
  • Mettre en œuvre un accord sur le partage des vaccins, afin que les pays riches qui disposent de doses de vaccins excédentaires puissent les partager avec les pays moins riches : certains pays du G7 ont récemment donné un accord de principe sur cette mesure (la France propose par exemple de transférer 3 à 5% des doses à l’Afrique) mais une action urgente est nécessaire pour pouvoir engager une véritable campagne mondiale sur les vaccins dès aujourd’hui.
  • Faire pression sur les entreprises pharmaceutiques pour qu’elles participent au Groupement d’accès aux technologies contre le COVID-19 (C-TAP) de l’Organisation mondiale de la santé, qui a pour objectif d’octroyer des licences afin que les vaccins puissent être produits en quantité suffisante.
  • Assouplir temporairement les restrictions commerciales qui freinent la fabrication (identifiée par Ngozi Okonjo-Iweala comme la plus grande entrave à un accès mondial), la distribution et l’accessibilité financière des vaccins.

Le 23 février puis le 1er mars, l’OMC se réunira pour discuter de l’appel lancé par plus de 100 pays en faveur d’une suspension temporaire des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins COVID-19. La suspension concernerait certaines dispositions de l’Accord sur les ADPIC, qui sont l’ensemble des réglementations sur la propriété intellectuelle couvrant tout une série de produits, y compris les vaccins et les traitements. Le régime ADPIC est compliqué, notamment parce qu’il englobe des éléments sur les droits de propriété intellectuelle. Il est également controversé et les pays ont souvent des points de vue bien arrêtés sur la question, qu’ils soient pour ou contre.

Pour plus de la moitié des pays, ce n’est pas l’abandon total des ADPIC qui est demandé, mais bien la levée temporaire et exceptionnelle de cet accord, afin de permettre au plus grand nombre possible d’entreprises et dans le plus grand nombre possible de pays de pouvoir produire des vaccins et des traitements. Même si cette dérogation est actée, la mise en œuvre nationale de ses conditions restera volontaire et non obligatoire.

Notre avis sur la question ? Au vu de l’urgence actuelle, nous pensons que l’assouplissement temporaire des restrictions commerciales qui freinent la fabrication rapide des vaccins et la suspension temporaire des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins contre le COVID-19 devraient être actés à l’issue de la prochaine réunion de l’OMC. Mais ce n’est ni une solution miracle, ni une solution suffisante à long terme.

Il est aujourd’hui nécessaire de faire un pas de côté, de prendre un peu de recul et de reconnaître que même des innovations telles que le COVAX ou des accords sur le partage des vaccins ne suffisent pas à rendre notre système suffisamment efficace et performant pour garantir notre sécurité sanitaire mondiale. Et aujourd’hui, nous ne disposons pas des accords nécessaires pour soutenir un tel système. Une discussion ouverte, franche et sérieuse sur l’assouplissement des restrictions commerciales ce 23 février pourrait déboucher sur la mise en œuvre de mesures réellement efficaces pour vaincre le virus au plus vite.

Cette réunion pourrait – et devrait – également lancer une discussion beaucoup plus large afin d’établir un accord et de nouvelles règles pour permettre une production plus rapide et un déploiement beaucoup plus efficace des vaccins et des traitements en cas d’épidémie ou de pandémie, et assurer ainsi, à l’avenir, une réponse beaucoup plus rapide face aux menaces virales, auxquelles nous serons très certainement confrontés à nouveau. 

Ce billet de blog a été rédigé par Gayle Smith, Directrice générale et Présidente de ONE, et traduit depuis l’anglais.

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