En 1990, Rebecca Lolosoli fondait le village d’Umoja (qui signifie « unité » en swahili), aux alentours de Samburu au nord du Kenya. Aidée de 15 autres femmes, victimes de viol par des soldats britanniques dans les années 70, elle crée ce village, un « land of no men », au sein duquel les hommes sont interdits.
Umoja est depuis un refuge pour les femmes du nord du Kenya victimes de mutilations génitales, de mariage forcé, de violences conjugales ou de viol, qui font partie des normes culturelles de Samburu.
Rebecca Lolosoli est la matriarche du village et a elle-même été victime de violences. Elle fut battue par un groupe d’hommes pour avoir plaidé en faveur de ses droits et de ceux des autres femmes et filles de son village. C’est pendant son séjour à l’hôpital que l’idée d’une communauté de femmes lui ait venue.
Elle est membre de la tribu des Samburu, composée de pasteurs semi-nomades, évoluant dans une société profondément patriarcale. Lors des réunions de villages, les hommes forment un cercle restreint, dont les femmes sont exclues. En effet, elles ne sont pas autorisées à émettre leur avis ou prendre des décisions concernant la vie du village.
« En tant que femme de Samburu, vous n’avez aucun droit. Si votre mari a envie de vous tuer, il a le droit de le faire. Car vous êtes sa propriété », raconte Rebecca Lolosoli.
Les premières femmes à avoir rejoint le village d’Umoja sont toutes originaires des villages isolés de Samburu, situés le long de la vallée du Rift. Umoja accueille aujourd’hui 47 femmes et 200 enfants dont Memusi qui s’est enfuie après un jour de mariage en 1998. « Je fus échangée contre des vaches par mon père quand j’avais 11 ans. Mon mari en avait alors 57 ».
Judi, elle aussi, a fui son village quand elle avait 15 ans avec l’aide de sa belle-mère et a ainsi pu poursuivre ses études.
Le village d’Umoja est devenu un arrêt incontournable pour les touristes de la région. Les femmes du village leur font payer un droit d’entrée, elles fabriquent également des bijoux artisanaux destinés à la vente.
Leurs activités commerciales génèrent un revenu régulier qui leur permet de se nourrir, de se vêtir et de se loger, et a également permis de construire une école, ouverte aux enfants des villages voisins. « Nous ne voulons pas que nos enfants aient la même vie que nous, nous voulons qu’ils aient une bonne éducation et qu’ils se rendent compte de ce qu’il se passe dans le monde » ajoute Rebecca.
Toujours dans une perspective d’éducation, les habitantes les plus expérimentées d’Umoja sensibilisent et forment les femmes et les filles des villages voisins de Samburu aux questions du mariage précoce et des mutilations génitales féminines.

“Tous les jours, je me réveille et m’adresse un sourire intérieur”’: Norkorchom de Turkana. Photographe: Georgina Goodwin pour the Observer.
Depuis la création du village pour femmes, Rebecca Lolosoli a été victime de nombreuses attaques physiques perpétrées par des hommes des villages de la région. Malgré cela, elle reste très fière de tout ce qui a été accompli depuis 25 ans par les femmes d’Umoja. Elle est fière d’avoir réussi, pour elle et toutes ces femmes, à se défaire d’un environnement patriarcal qui l’empêchait de jouir pleinement de ses droits et de vivre sa vie dignement.
« Aujourd’hui, les femmes ont des droits, elles gagnent elles-mêmes leur argent, et elles ont le droit de dire qu’elles ne veulent pas être excisées et qu’elles souhaitent voir leurs filles aller à l’école », ajoute Rebecca.
Les femmes d’Umoja sont un modèle de persévérance et une source d’inspiration pour des millions de femmes à travers le monde.
Continuons à témoigner de notre soutien en faveur de toutes les femmes et les filles dont les droits sont bafoués. 1 million de personnes l’ont déjà fait. Et vous ? Signez la pétition.
Retrouvez le reportage de Michelle De Swarte, journaliste pour le site Broadly qui est partie à la rencontre de ces femmes exceptionnelles.
Ce billet a été rédigé par Tara Cilolo, assistante médias chez ONE France.