Cette tribune a été initialement publiée dans Les Echos .
Il y a deux semaines, François Hollande a annoncé une nouvelle réforme dans l’aide au développement international : l’intégration de l’Agence française de développement à la Caisse des Dépôts. Quelles seront les conséquences pour le financement de la lutte contre l’extrême pauvreté et les changements climatiques ?
Il y a deux semaines, François Hollande en a surpris plus d’un en annonçant une nouvelle réforme dans le domaine du développement international : l’Agence française de développement, l’opérateur principal de la France quand il s’agit d’aider les pays les plus pauvres, sera intégrée à la Caisse des Dépôts et ceci dès les prochains mois.
Il y a effectivement urgence. La France s’apprête à organiser la conférence Climat et, comme l’a répété le Président hier lors de sa conférence de presse semestrielle, l’argent sera le nerf de la guerre. Des milliards manquent encore pour financer l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques dans les pays en développement. On peut compter sur le secteur privé, sur le propre pouvoir financier des pays émergents, mais au bout du compte, il reste encore un trou béant qui devra être comblé d’ici à décembre.
Accès aux marchés financiers
Plusieurs pistes existent pour trouver ces financements nécessaires, dont la plus médiatisée est la taxe sur les transactions financières européennes qui tardent à se concrétiser malgré l’importante manne financière qu’elle permettrait de dégager pour ces enjeux. Entretemps, le gouvernement a pensé à une autre astuce pour parer à ce défi. Une fois intégrée dans la puissante Caisse des Dépôts, l’Agence française de développement (AFD) aura un accès amélioré aux marchés financiers. Grâce aux fonds propres de la Caisse des Dépôts, l’AFD pourra emprunter plus, notamment pour financer des prêts pour des pays en développement et leur lutte contre les changements climatiques.
Défi résolu ? Non.
Les prêts sont une forme de financement peu coûteux pour la France et les bienvenus pour de nombreux pays qui n’ont pas la capacité d’accéder aux marchés financiers ou seulement selon des conditions prohibitives. Mais ils ne sont pas l’outil magique pour faire face aux changements climatiques ou aux autres défis du développement.
Les limites des prêts
Les prêts ne peuvent être utilisés que par certains pays en développement. Les plus pauvres et les plus fragiles n’y ont pas accès et pour de bonnes raisons : leurs finances publiques ne peuvent pas supporter le poids de la dette, même si le prêt est hautement subventionné. Les prêts ne sont pas non plus adaptés au financement de secteurs essentiels pour le développement comme la santé, l’éducation ou la sécurité alimentaire.
Et pourtant, ce sont ces secteurs que la France doit soutenir en priorité afin d’aider les pays plus pauvres à contrer les aléas dus aux changements climatiques et à atteindre les nouveaux Objectifs de développement durable qui seront promulgués fin septembre à New York. Pour fournir cette aide spécifique et vitale, il faut des dons. Or, le montant des dons fournis directement par la France n’a cessé de diminuer depuis 2008 et représente aujourd’hui environ un 500 millions d’euros, soit seulement 6 % de l’aide totale. En ce qui concerne les financements pour la lutte contre les changements climatiques, le tableau est tout aussi noir (7 % sous forme de dons).
C’est bien là que le bât blesse. Le ratio entre prêts et dons s’aggravera encore, paradoxalement, suite à la réforme annoncée. Les prêts augmenteront certes, mais qu’en sera-t-il des dons, déjà victimes des restrictions budgétaires par le passé ? Si le Président veut réellement accroître les moyens d’action de la France au niveau international pour lutter contre les grands fléaux tels que le réchauffement climatique ou l’extrême pauvreté, il lui faudra continuer à réformer l’aide au développement et inverser rapidement cette inquiétante tendance à la baisse des dons.