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La France réforme son aide au développement : 4 grandes victoires à célébrer !

Une loi essentielle pour l’avenir de l’aide au développement

La semaine dernière, les député·e·s ont débattu de l’avenir de l’aide publique au développement (APD) française, c’est-à-dire l’aide qu’elle verse aux pays en développement pour lutter contre de grands défis comme l’extrême pauvreté, la famine, les inégalités femmes-hommes ou encore les conséquences du dérèglement climatique. 

C’était en effet une promesse de campagne d’Emmanuel Macron depuis 2017 : moderniser l’APD française dans la loi. Après trois ans d’attente et de reports successifs, elle a enfin pu être discutée à l’Assemblée nationale. L’enjeu est immense : l’APD est devenu un outil plus vital que jamais, à l’heure où la pandémie de COVID-19 a pu faire basculer jusqu’à 115 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté rien qu’en 2020, soit une augmentation de 17% en seulement une année. 

Un mot d’ordre désormais : faire plus et mieux ! Cette loi est une opportunité unique de mieux piloter l’aide française en y inscrivant des cibles concrètes. Quatre priorités s’imposent pour une loi réussie : un débat de qualité, qui se penche sur les moyens d’améliorer la quantité, la qualité et la transparence de notre aide. Quatre chantiers qui ont connu de vraies avancées durant ces deux dernières semaines. 

Un débat de qualité qui a refusé toute conditionnalité

Le risque planait sur le débat parlementaire : les tentations de se détourner de l’objectif premier de l’APD, c’est-à-dire la réduction de la pauvreté dans les pays en développement, afin de servir les intérêts de la France – économiques, migratoires ou sécuritaires. Or le but de l’aide doit rester l’amélioration des conditions de vie des populations des pays pauvres – un objectif qui bénéficie aussi à la population française. On le voit de manière d’autant plus aiguë avec le dérèglement climatique, ou plus récemment avec la pandémie de COVID-19 : nous vivons dans un monde interdépendant dans lequel le virus ne connaît pas de frontières. Investir dans des systèmes de santé plus solides dans son propre pays et dans les pays plus vulnérables participe au même objectif : vivre dans un monde plus sain, plus juste et plus résilient.

Bien que ce sujet ait été mis sur la table des discussions par plusieurs groupes politiques à l’Assemblée, l’immense majorité des député·e·s a fait front commun contre ces propositions, refusant toute porte ouverte vers un “chantage à l’APD”. Le débat a ainsi pu se concentrer sur le cœur du problème : la réduction de la pauvreté, et comment y parvenir. 

La promesse des 0,7% : enfin une date concrète

C’est une promesse historique des pays riches envers les pays pauvres : en 1970, des pays dits “développés”, dont la France, s’engageaient à allouer une petite part de leur richesse nationale – 0,7% de leur revenu national brut (RNB) – à leur aide au développement. Mais la France n’a jamais tenu sa promesse, aujourd’hui vieille de plus de cinquante ans. Nous suivions même le chemin inverse : depuis plusieurs années, l’APD subissait des coupes et était en chute libre. Emmanuel Macron s’était engagé à renverser la tendance, en atteignant un palier intermédiaire de 0,55% du RNB alloué à l’APD pendant son quinquennat. Cet engagement est en passe d’être tenu, mais le mandat présidentiel étant presque terminé, il est essentiel d’adopter une vision de plus long terme, et prévoir au-delà de 2022. 

La loi était l’occasion de fixer une date concrète pour atteindre le fameux 0,7%, et ce n’était pas gagné d’avance. Après des débats mouvementés, les député·e·s ont inscrit dans la loi l’obligation pour le Gouvernement de s’efforcer à atteindre cet objectif en 2025. C’est une véritable victoire de l’Assemblée et un grand pas en avant vers cet objectif historique. La France devient ainsi le 2ème pays, après le Royaume-Uni, à inscrire cet objectif assorti d’une échéance dans une loi.

 

Un nouveau jalon vers une diplomatie réellement féministe

Depuis 2019, la France annonce porter une “diplomatie féministe”. Ce concept est encore jeune et un peu flou, mais ce qui est certain, c’est que de telles ambitions doivent s’accompagner d’une APD féministe. À l’heure où les femmes et les filles subissent encore de manière accrue les conséquences de la pauvreté, un outil devient incontournable : l’APD “genre”, soit une aide qui prend en compte les obstacles spécifiques auxquels elles font face et qui lutte concrètement contre les inégalités femmes-hommes sur le terrain.

Mais la France est à la traîne : elle fait partie des cinq derniers pays du Comité d’aide au développement de l’OCDE en matière d’APD genre, avec seulement 26% de son aide qui contribue à l’égalité femmes-hommes dans les projets mis en œuvre. C’est loin derrière les autres pays porteurs d’une diplomatie féministe : la Suède et le Canada par exemple ont quant à eux déjà dépassé les 85%.

Après un plaidoyer intense des ONG, les député·e·s ont finalement voté pour un double objectif : 75% de l’aide française contribuera à l’égalité femmes-hommes, et 20% en fera sa priorité. Un objectif de 85% aurait été plus adapté, mais c’est déjà une immense victoire pour les femmes et les filles. La France a enfin assorti ses ambitions de diplomatie féministe d’un objectif concret, qu’il s’agit désormais d’atteindre dès que possible. 

 

Enfin plus de transparence 

Un autre chantier où l’Assemblée nationale a pu faire la différence : la transparence de l’APD française, qui manque depuis longtemps de lisibilité et de clarté. La loi prévoit d’y remédier : chaque année, le Gouvernement devra transmettre au Parlement un rapport sur l’évolution de l’APD. Les députés ont voulu préciser le contenu de ce rapport, qui devra indiquer combien d’aide a été allouée aux secteurs et aux pays prioritaires de la France, pour s’assurer que ces priorités se concrétisent dans les faits et que l’aide va dans la bonne direction. Plus de transparence a également été obtenue à propos de la répartition entre les prêts et les dons de l’aide, ainsi que sur les allègements de dette futurs accordés par le Gouvernement aux pays en développement.

La bataille n’est pas finie 

Ces victoires font indéniablement progresser l’aide française pour qu’elle soit plus ambitieuse, plus féministe et plus transparente. C’est le résultat du travail de député·e·s, mais aussi d’une mobilisation inédite de la société civile, des ONG de terrain et de plaidoyer, des activistes qui se battent depuis des années pour renforcer la solidarité internationale. Chez ONE, nous menons campagne en ce sens depuis 2017 avec nos bénévoles, les jeunes Ambassadeurs et Ambassadrices de ONE, dont l’activisme a porté ses fruits.   

La loi n’a pas encore été adoptée définitivement : il faut encore qu’elle soit discutée par le Sénat et à nouveau par l’Assemblée. Elle marque de vraies avancées pour l’APD, mais qui pourrait encore gagner en efficacité. Encore aujourd’hui, l’aide française souffre d’une forte dispersion en termes de secteurs et de pays visés. Seulement 25% de l’APD va vers les services sociaux de base que sont la santé, l’éducation, l’eau, l’assainissement et l’hygiène et les systèmes de protection sociale : un ciblage bien insuffisant quand on sait que l’accès à ces services est un frein puissant pour réduire la pauvreté, mais encore miné par des inégalités. Même constat pour le ciblage géographique de l’aide : seulement 15% est affectée vers les “pays prioritaires” de la France, 19 pays parmi les plus pauvres du monde qui sont censés concentrer les efforts de l’aide – ce qui est loin d’être le cas pour le moment. 

La suite des discussions sera l’occasion de porter ces cibles dans la loi et donner à la France les outils de solidarité internationale pour être à la hauteur des défis d’aujourd’hui.

Photo : Assemblée nationale

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