Cette semaine, l’équipe de ONE à Londres a eu l’occasion d’échanger avec Ernestina Edem Appiah, entrepreneuse et directrice de l’ONG Ghana Code Club, fer de lance de l’apprentissage du codage dans les écoles ghanéennes. De secrétaire informatique elle est devenue un génie du codage.
Merci de nous accorder cette interview Ernestina. Pouvez-vous nous dire ce qu’est le Ghana Code Club ?
Les nouvelles technologies réinventent le monde. Les jeunes ont besoin de compétences qui leur permettront de mener une brillante carrière mais l’état actuel des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) ne les incluent pas, ce qui est plutôt alarmant. C’est là que le Ghana Code Club entre en jeu. C’est un club digital extrascolaire dont les cours sont dispensés par des bénévoles qui enseignent aux jeunes de 8 à 17 ans les bases du codage. Nous avons des partenariats avec 5 écoles et serons présents dans presque toutes les écoles du Ghana à partir du premier trimestre 2016.
Qu’est ce qui dans votre vie privée et votre carrière professionnelle vous a poussé à créer le Ghana Code Club?
J’ai toujours rêvé d’être à la tête d’une équipe de professionnels de l’informatique capables d’apporter des solutions de pointe pour l’Afrique. Cette passion est née quand j’étais secrétaire en 2000 à Accra pour une entreprise informatique. J’avais beaucoup d’admiration pour les consultants, et notamment pour la seule femme de l’équipe.
A l’époque, je ne gagnais que 10% du salaire touché par les consultants. Je voulais m’inscrire, à mi-temps, à des cours de codage HTML (le codage standard utilisé pour créer des pages web), mais j’en avais besoin de cet argent pour prendre soin de mes frères et sœurs. Au lieu d’attendre le jour où je pourrais enfin me payer ces cours, j’ai décidé d’apprendre seule comme je le pouvais. Je m’entraînais dès que j’en avais l’occasion, et en quelques semaines je réalisais mes premiers sites.
Finalement, ayant de plus en plus confiance en mes capacités, je fis paraître une petite annonce pour faire ma propre promotion en tant qu’assistante virtuelle. J’ai eu 4 premiers clients, parmi lesquels une entreprise de télécommunications basée aux Etats-Unis. En 2004, j’étais en mesure de démissionner de mon poste de secrétaire, j’ai loué un bureau et engagé du personnel pour soutenir mes activités.
Je suis passé de secrétaire à une entrepreneuse que je n’étais pas du tout prédestinée à devenir, avec des clients internationaux, rémunérant des employés, parrainant des gens, aidant financièrement et très modestement des start-ups, payant les frais de scolarité universitaire pour pas moins de 5 personnes – tout cela a été possible grâce à ce petit changement que j’ai fait dans ma vie, et aux nouvelles compétences que j’ai acquises !
J’étais si heureuse et reconnaissante du chemin parcouru que je voulais apporter la même chose aux autres. En 2007 je créais l’ONG Healthy Career Initiative avec pour objectif d’autonomiser les jeunes en leur donnant les compétences nécessaires pour prospérer au 21ème siècle. Malheureusement, je n’ai pas pu porter le projet très loin à cause de ma charge de travail considérable. Puis je me suis marié, j’ai eu des enfants, et les choses ont commencé à ralentir, j’ai réalisé que j’avais besoin de travailler de la maison pour être plus présente pour mes enfants.
Un jour, je cherchais sur internet une plateforme de programmation, quelque chose de simple pour commencer à donner des cours à mon fils et je suis tombé sur un blog : des enfants au Royaume-Uni apprenaient à coder. Cela m’a tout de suite donné l’idée de relancer mon ONG. J’ai eu envie d’offrir la même opportunité aux enfants ghanéens pour qu’ils puissent participer à des projets digitaux (récits interactifs, création de sites web, jeux et animations). Le Ghana Code Club était né.
Quelle est la meilleure partie de votre travail ?
Etre en cours avec les enfants, les voir créer des choses qui peuvent être utiles pour tout le monde n’importe où sur la planète. Les sourires qu’ils affichent me font me sentir merveilleusement bien, optimiste et pleine d’espoir. Ces enfants seront les pionniers d’une ère digitale au Ghana et en Afrique, ils auront un impact sur le monde entier.
Pensez-vous que le Ghana devrait mettre la technologie et la connectivité au cœur de ses priorités? En quoi cela pourrait-il changer le pays ?
Dans chaque pays à travers le monde, la technologie est le catalyseur du développement, le Ghana doit orienter ses besoins vers le progrès technologique. Chaque foyer devrait avoir un ordinateur équipé d’un accès à un internet. Si les jeunes sont en mesure d’acquérir les bonnes compétences cela aura un impact positif sur le pays qui a besoin de jeunes entrepreneurs innovants et capables d’apporter une solution efficace à un problème.
Quels sont vos objectifs pour 2016?
Nous avons pour objectif de lancer le programme dans pas moins de 20 écoles durant le premier trimestre 2016, 20 000 enfants pourront alors en bénéficier. Nous aimerions organiser un challenge inter-écoles pour tester la créativité, les méthodes de résolution de problèmes, les compétences collaboratives entre nos élèves membres du club. Ensuite nous espérons pouvoir mettre en place un centre de formation à destination des enfants les plus défavorisés qui souhaitent prendre part à notre club de codage, mais qui n’en ont pas la possibilité. Nous recherchons toujours des soutiens et des dons pour réaliser avec succès nos projets.
L’investissement dans les technologies et l’innovation libérerait un savoir illimité qui bénéficierait à tous. Il créerait aussi plus d’emplois dans les pays en développement, comme le rappelle l’Objectif N°3 “Industrie, Innovation et Infrastructures”, des ODD (Objectifs du développement durable).
Ce billet a été adapté de l’anglais par Tara Cilolo, assistante médias chez ONE France.