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Une génération sacrifiée : l’impact des fermetures d’écoles sur l’éducation des filles en Afrique

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Alors qu’ils reprennent progressivement le chemin de l’école, les enfants vivant sur le continent africain risquent de ne pas retrouver le même environnement que celui d’avant la pandémie. Dans certaines écoles, le nombre d’élèves par classe sera plus faible en raison des taux élevés d’abandon scolaire, notamment chez les adolescentes.

En Afrique, le COVID-19 a exclu une génération entière du système éducatif. Dans les pays africains à revenu faible ou intermédiaire, les enfants qui ne retourneront pas à l’école lors de sa réouverture se comptent par millions, et ce, pour diverses raisons. L’une d’elles est la suivante : pendant la pandémie, de nombreuses familles ont subi une perte de leurs moyens de subsistance, ce qui a affecté leur capacité à payer les frais de scolarité. En Afrique du Sud, on estime que 750 000 élèves ont dû abandonner l’école au cours de la première année de la pandémie. 10 % des personnes interrogées dans le cadre d’une étude ont déclaré qu’au moins un enfant de leur foyer n’était pas retourné à l’école en 2021.

Une étude menée au Kenya a révélé que 16 % des filles et 8 % des garçons ne sont pas retournés à l’école en 2021, après près d’un an de fermeture des écoles. Ruth Kagia, cheffe de cabinet adjointe du président kényan, a déclaré que les conséquences négatives des taux élevés d’abandon scolaire se feront sentir pendant des décennies : « La pandémie creuse les inégalités préexistantes, mettant en lumière les vulnérabilités des systèmes sociaux, éducatifs et économiques qui amplifient à leur tour les impacts de la pandémie. »

Dans certains pays, les filles qui n’étaient pas scolarisées en raison de la fermeture des écoles étaient chargées d’aider aux tâches ménagères. De nombreux parents, en particulier ceux qui accordent peu de valeur à l’éducation des filles, pourraient être tentés de garder leurs filles à la maison après la réouverture des écoles ce mois-ci.

Des disparités accrues

Des études menées en 2020 ont montré que les fermetures d’écoles ont engendré la déscolarisation d’environ 90 % des élèves dans le monde. Parmi eux, 800 millions étaient des filles. Au cours des deux dernières années, des millions d’enfants – garçons et filles – qui n’ont pas eu la chance de bénéficier de l’apprentissage en ligne ou de l’enseignement à domicile n’ont eu que très peu, voire pas du tout, accès à l’éducation. En Afrique, la réouverture de certaines écoles n’a eu lieu qu’en janvier 2022, après une interruption de près de deux ans, notamment en Ouganda.

Ces longues fermetures d’écoles risquent d’accentuer encore les disparités entre les élèves qui ont pu poursuivre leur scolarité grâce à l’enseignement à domicile ou à l’apprentissage en ligne et ceux qui n’ont pas eu cette chance. La plupart des enfants qui n’ont pas reçu d’enseignement pendant les fermetures d’écoles devront probablement redoubler des classes pour rattraper leur retard, ce qui signifie qu’ils seront à la traîne par rapport à leurs camarades. Certains pourraient même tout simplement abandonner l’école.

Certaines écoles kényanes ont mieux réussi que d’autres à maintenir les garçons et les filles à l’école. William Wambugu, le directeur de l’école primaire Ndaragua à Nyahururu, au Kenya, a déclaré que lorsque la pandémie a frappé, l’école disposait déjà d’un programme de conseil pour les élèves, qui apporte un soutien psychosocial aux filles. « Je pense que c’est la raison pour laquelle aucune de nos filles n’est tombée enceinte et que tous les élèves sont revenus cette année », a-t-il déclaré.

Grossesses d’adolescentes, mariages précoces et violences sexuelles

L’école de Wambugu fait partie de celles qui ont eu le plus de chance. Les grossesses d’adolescentes et les mariages précoces représentent un frein à l’éducation des filles dans toute l’Afrique. La province sud-africaine de Gauteng a connu une augmentation de 60 % des grossesses chez les adolescentes depuis le début de la pandémie. On peut attribuer cette augmentation à différents facteurs, notamment au manque d’accès des filles à l’éducation sexuelle, à l’accès réduit aux contraceptifs pendant les périodes de confinement et aux violences sexuelles.

L’augmentation du nombre de grossesses non désirées pendant une crise de santé publique n’est pas un phénomène nouveau. Pendant l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014, le nombre de grossesses chez les adolescentes a bondi, la Sierra Leone ayant par exemple connu une augmentation de 65 % des grossesses chez les adolescentes. Beaucoup de ces filles enceintes se sont ensuite vu refuser le droit de de retourner à l’école.

Le ministère de la Santé du Kenya a enregistré 328 000 grossesses chez les adolescentes au cours de la première année de la pandémie de COVID-19. Déjà avant la pandémie, le Kenya avait l’un des taux de grossesse chez les adolescentes les plus élevés au monde : 2 filles sur 10 âgées de 15 à 19 ans étaient enceintes ou avaient déjà un enfant.

« Dans certains pays, nous constatons des pertes d’accès à l’éducation plus importantes chez les filles et une augmentation du risque qu’elles soient confrontées au travail des enfants, aux violences sexuelles et sexistes, au mariage précoce et à la grossesse », explique Peter Jenkins, directeur de l’éducation à l’UNICEF.

Les filles deviennent plus vulnérables aux abus et à l’exploitation sexuels pendant les fermetures d’écoles car elles ne bénéficient plus de la protection qu’offrent les écoles. Environ trois quarts des adolescentes interrogées dans le cadre de l’étude kényane ont déclaré avoir subi ou été témoins de plus d’abus sexuels, physiques ou émotionnels pendant la fermeture des écoles. Elles ont attribué ce phénomène aux tensions découlant de la perte de revenu familial et de la restriction des déplacements pendant les confinements, ainsi qu’aux grossesses non désirées. Les données officielles du Kenya montrent que les abus sexuels sur mineurs ont grandement augmenté en 2020, passant de 5 397 cas signalés en 2019 à 6 801 en 2020, soit une augmentation de 26 %.

Certains parents marient également leurs filles qui ne sont pas scolarisées. De nombreux parents qui ont subi une perte de leurs ressources pendant la pandémie ont arrangé le mariage de leurs filles en âge d’aller à l’école en échange d’une dot. Au Kenya, 16 % des filles âgées de 15 à 19 ans qui se sont mariées pendant la première année de la pandémie estiment que cela ne serait pas arrivé sans cette pandémie, tenant ainsi le COVID-19 pour responsable. En mars 2021, l’UNICEF a averti que 10 millions de filles dans le monde risquaient d’être mariées à cause du COVID-19. L’Éthiopie et le Nigeria font partie des pays dans lesquels les taux de mariage des enfants sont les plus élevés en Afrique.

« Les écoles fermées, l’isolement par rapport aux amis et aux réseaux de solidarité, ainsi que la pauvreté croissante ont jeté de l’huile sur le feu [celui des mariages d’enfants] que le monde avait déjà du mal à éteindre », a déclaré Henrietta Fore, directrice générale de l’UNICEF.

Les coûts économiques à long terme

Nombreuses sont les études qui ont montré une forte corrélation entre le nombre d’années de scolarité et les futurs revenus. La perte d’accès à l’éducation des élèves d’aujourd’hui aura des répercussions économiques à long terme. Les pays les plus touchés par des taux d’abandon scolaire élevés subiront une perte importante de compétences et de niveau d’éducation au sein de leur jeune population. Ils auront également plus de mal à atteindre l’Objectif de développement durable des Nations unies qui vise à assurer une éducation inclusive et équitable de qualité, et à promouvoir des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour toutes et tous.

Le coût économique de ces perturbations au niveau mondial sera monumental, selon un nouveau rapport conjoint de la Banque mondiale, l’UNESCO et l’UNICEF. « La génération actuelle d’étudiants risque de perdre 17 000 milliards de dollars de revenus à vie et en valeur actuelle, soit environ 14 % du PIB mondial actuel, en raison des fermetures d’écoles liées à la pandémie de COVID-19 », indique le rapport.

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