Cet article a été traduit de l’anglais et actualisé par Marie Vabre, assistante Campagnes chez ONE France.
Lundi 6 juillet, les Nations Unies ont publié le Rapport 2015 sur les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) pour évaluer les efforts entrepris dans la course à la réalisation des huit objectifs : la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim, l’éducation primaire pour tous, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, la réduction de la mortalité infantile, l’amélioration de la santé maternelle, la lutte contre le VIH/Sida, le paludisme et d’autres maladies mortelles, la préservation de l’environnement, et la mise en place d’un partenariat mondial pour le développement.
Les conclusions mettent en avant deux messages importants. Premièrement, des progrès sans précédent ont été réalisés et le monde a gagné de nombreuses batailles contre l’extrême pauvreté. Au plan mondial, le nombre de personnes vivant dans une extrême pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1,25 dollar (environ 1,10 euro) a diminué de plus de moitié, passant de 1,9 milliard en 1990 à 836 millions en 2015.
Les conditions de vie des filles et des femmes se sont considérablement améliorées. Dans leur ensemble, les régions en développement ont atteint la cible consistant à éliminer la disparité entre les sexes dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. Le taux de mortalité maternelle a diminué de 45% depuis 1990. L’amélioration de la santé dans le monde a été reconnue. Le nombre d’infections par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) a chuté de 40% entre 2000 et 2013. Plus de 6,2 millions de décès liés au paludisme ont été évités, majoritairement chez les enfants de moins de cinq ans en Afrique sub-saharienne.
Cependant, le rapport témoigne également d’un second message bien moins positif. Les progrès sont inégaux et le monde n’atteindra pas les huit objectifs d’ici la fin 2015. La planète est encore loin d’avoir gagné la guerre contre l’extrême pauvreté et les inégalités, tant que les plus pauvres et les plus vulnérables seront laissés de côté.
Le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Ban Ki-moon s’est félicité des succès rencontrés en matière de lutte contre la pauvreté, mais a relevé les progrès qu’il reste à fournir : « Malgré les gains remarquables obtenus, je suis tout à fait conscient que les inégalités persistent et que les progrès ont été inégaux. La population pauvre mondiale demeure massivement concentrée dans certaines parties du monde. En 2011, dans le monde, près de 60 % du milliard de personnes extrêmement pauvres vivaient dans cinq pays seulement. Trop de femmes continuent de mourir durant leur grossesse ou de complications liées à l’accouchement. Les progrès ont tendance à laisser de côté les femmes et ceux qui se trouvent au plus bas de l’échelle économique ou sont désavantagés à cause de leur âge, handicap ou ethnicité. Les disparités entre zones rurales et urbaines restent prononcées. »
Même si le monde n’est pas loin d’avoir réduit de moitié la proportion de citoyens qui souffrent de la faim, les pays d’Afrique sub-saharienne et les pays les moins avancés (PMA) sont très loin derrière. Les changements climatiques et la dégradation de l’environnement sapent les progrès réalisés, et ce sont les personnes pauvres qui en souffrent le plus. En dépit d’énormes progrès, plus de 800 millions de personnes vivent encore dans une extrême pauvreté et souffrent de la faim. 58% des enfants en âge d’être scolarisés qui sont en dehors du système scolaire vivent en Afrique sub-saharienne. La région possède également le taux de mortalité infantile le plus élevé.
Bien que l’égalité des sexes ait progressé, la pauvreté demeure sexiste. Les filles et les femmes ont plus de risques de vivre dans la misère que les garçons et les hommes. Les femmes continuent de subir des discriminations dans l’accès à l’emploi, les enjeux économiques et les prises de décisions, que ce soit dans les affaires publiques ou le secteur privé. Plus de la moitié des enfants en âge d’avoir intégré le cycle primaire alors qu’ils ne sont pas scolarisés sont des filles.
Les investissements dans la récolte de données plus nombreuses et de meilleure qualité sont nécessaires pour rendre compte des progrès et canaliser avec succès les ressources qui permettent de réaliser les objectifs de développement. Près de la moitié des 155 pays analysés manquent de statistiques adaptées pour mesurer la pauvreté. En plus de ces grosses lacunes, la plupart des chiffres sont en décalage de 2-3 ans, empêchant l’évaluation des données en temps réel.
Alors que le délai fixé pour atteindre les OMD expire, le monde se mettra d’accord cette année sur un nouvel ensemble de cibles, les Objectifs du développement durable (ODD), pour mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici 2030. Le Rapport des OMD 2015 révèle qu’une action concertée, afin de se concentrer sur les populations et les pays les plus pauvres, est un prérequis pour s’assurer que les plus vulnérables ne seront pas laissés encore plus loin derrière après 2015.
Si les dirigeants mondiaux veulent sérieusement s’attaquer à l’extrême pauvreté et lutter contre les inégalités croissantes, leur première tâche est de s’accorder sur un plan de financement du développement. Et c’est à cet instant précis que c’est en train d’arriver, à la troisième Conférence internationale sur le financement du développement. Les représentants des 193 Etats membres des Nations unies (ONU), dont une vingtaine de chefs d’Etat ou de gouvernement, en majorité africains, sont réunis à Addis-Abeba, la capitale de l’Ethiopie, depuis le 13 juillet et jusqu’au 16 juillet. Ils doivent poser les bases stratégiques des 17 Objectifs de développement durable (ODD) pour 2015-2030 qui seront adoptés en septembre, à New York.

Le Secrétaire général Ban Ki-moon (au centre) salue le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn à l’ouverture de la conférence sur le financement du développement à Addis-Abeba. Photo ONU/Eskinder Debebe
En 2002, la première Conférence sur le financement du développement avait abouti au « Consensus de Monterrey »,qui avait posé des principes, insisté sur l’importance des ressources nationales dans le développement et fixé l’engagement de 0,7 % du revenu national brut (RNB) pour l’aide publique au développement (APD), dont 0,15 % à 0,20 % pour les pays les moins avancés (PMA). Aujourd’hui, l’accord doit inclure un nouveau pacte social pour délivrer les services publics de base au plus grand nombre, y compris l’accès à la santé, l’éducation, l’énergie, l’eau et l’assainissement. Pour cela, un nombre croissant de pays donateurs doivent s’engager à allouer 50% de l’aide au développement aux PMA, dont la majorité (33 sur 49) sont africains.
« Les pays sont responsables de leur propre développement économique et social, mais leurs efforts nationaux doivent être soutenus par un environnement économique international favorable », a affirmé le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, à l’ouverture de la conférence le 13 juillet. M. Ban a par ailleurs précisé que le principal enjeu pour la communauté internationale résidera dans sa capacité à respecter et mettre en œuvre le programme d’action d’Addis-Abeba, dont les termes faisaient toujours l’objet de négociations entre les pays à l’ouverture de la Conférence.
« Il faut éviter à tout prix que la Conférence d’Addis-Abeba n’accouche d’un accord de principe sans aucun engagement concret et chiffré. Cette conférence pour le financement du développement ne peut se contenter de belles paroles. L’enjeu est trop important. Les Etats doivent se mettre en ordre de bataille maintenant pour mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici à 2030. Nous jugerons de leur implication à l’aune de ces engagements », a rappelé Friederike Röder, directrice de ONE France.
De plus, le texte doit faire référence à l’importance de la révolution des données pour améliorer notre capacité à mesurer les progrès. Les pays travaillent actuellement sur des résultats concrets à annoncer à Addis, comme l’allocation davantage de temps et de ressources pour la collecte des données et la production des rapports. Ces livrables peuvent réellement changer les règles du jeu pour s’assurer que les besoins de base de leurs citoyens soient satisfaits et que nul ne soit laissé pour compte.
La France doit respecter son engagement d’allouer 0,7% de sa richesse nationale à l’aide au développement, dont la moitié aux pays les plus pauvres. Comme souvent, les dirigeants ne prendront les bonnes décisions qui auront un impact sur des millions de personnes, que si nous les y encourageons. Envoyez une carte postale à François Hollande pour l’encourager à allouer 50% de l’aide aux pays les plus pauvres. Votre participation est plus qu’un symbole. Elle prouvera au président français que ses citoyens se soucient du sort des populations les plus vulnérables.