Cet article est rédigé par Tahrat Naushaba Shahid, chargée de plaidoyer pour l’agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition.
L’urgence alimentaire est de plus en plus préoccupante en Afrique. Au Sud-Soudan, la situation est si grave que l’état de famine a été déclaré il y a un mois. C’est la première famine annoncée dans le monde depuis six ans, et elle touche déjà 100 000 Sud-Soudanais. Pendant ce temps, la Somalie est elle aussi au bord de la famine, alors que des milliers de personnes affluent dans la capitale du pays en quête de nourriture. La famine est le phénomène de malnutrition le plus grave, et l’ONU déclare officiellement l’état de famine seulement lorsqu’une population atteint un certain seuil de mortalité, de malnutrition et de pénurie alimentaire.
Le nombre de personnes ayant actuellement un besoin urgent en aide alimentaire est vertigineux – 6,2 millions en Somalie et 4,9 millions au Sud-Soudan. Plus alarmant encore, près de 1,4 million d’enfants risque actuellement de mourir de faim au Nigeria, en Somalie, au Sud-Soudan et au Yémen.
Nous avons vu ce qui se passe lorsque les premiers signes de famine sont ignorés. Lorsque la famine a frappé la Somalie en 2011, la communauté internationale a réagi trop lentement. Ce manque de réaction urgente a grandement contribué aux 260 000 décès qui en ont résulté – dont la moitié étaient des enfants de moins de 5 ans. Aujourd’hui, comme en 2011, la sécheresse en Afrique de l’Est est de retour, diminuant significativement les stocks alimentaires, faisant grimper les prix et la dette à travers la région, si bien que la famine pourrait très vite se propager au-delà du Sud-Soudan.
En février 2017, l’ONU a annoncé que 4,4 milliards de dollars seraient nécessaires dès la fin du mois de mars pour apporter une aide vitale et éviter la famine au Soudan du Sud, en Somalie, au Nigeria et au Yémen. A la date du 22 février 2017, seuls 90 millions de dollars avaient été réuni et, comme nous le savons, certaines régions du Sud-Soudan connaissent déjà la famine.
Cette fois ci, la communauté mondiale ne peut pas se permettre d’ignorer ces signes. Sans un financement suffisant, des centaines de milliers de personnes, et peut-être plus d’un million d’enfants, risquent de perdre la vie, tandis que beaucoup d’autres seront forcés de fuir leurs foyers à la recherche de nourriture.
L’ONU a souligné à maintes reprises que les famines actuelles sont causées par l’homme. Sans une véritable attention portée aux systèmes de santé, de nourriture et de développement économique, la sécheresse devient insurmontable. En Éthiopie, dans les années 80, la sécheresse a entraîné la famine, et durant la période de 2011 et2012, la famine a été évitée parce que les pays donateurs et le gouvernement éthiopien ont travaillé ensemble, investi correctement et renforcé la résilience des citoyens vulnérables. Les pays donateurs doivent maintenant également investir dans des solutions de développement à long terme afin de prévenir de nouvelles crises, de nouveaux décès et de nouvelles interventions d’urgence humanitaire extrêmement couteuses.
Mais il y a un autre élément, causé par l’homme lui aussi, qui se trouve être commun à toutes les plus grandes urgences actuelles: les conflits. Les conflits entravent les efforts des humanitaires pour atteindre les personnes affamées, bloquent les livraisons alimentaires et empêchent les agriculteurs et les éleveurs de produire et de vendre de la nourriture. Et ce même manque d’investissement dans les systèmes de santé, les programmes de lutte contre la faim et le développement économique peut être une cause majeure de conflit, à cause des inégalités qu’elle engendre.
Les conflits et le manque d’investissement dans le développement sont très étroitement liés, et les famines actuelles en sont l’exemple le plus frappant. Pour éviter le pire, les pays donateurs doivent dès maintenant tenir compte des signes avant-coureurs et répondre immédiatement à ces crises humanitaires. Les budgets de l’aide au développement doivent être protégés et renforcés, et les secteurs de la sécurité et du développement doivent travailler ensemble pour réduire les causes de la famine.