Evasion fiscale : Stop au recyclage de mesurettes

Evasion fiscale : Stop au recyclage de mesurettes

Cette tribune a été initialement publiée dans Les Echos .

Les scandales d’évasion fiscale se multiplient, à l’image des « Panama Papers ». Faisons de la transparence une norme, pour en finir avec ces affaires.
« Panama Papers » , « LuxLeaks » , « Swissleaks » , « OffshoreLeaks » … Pour mettre un terme à des systèmes illicites de plus en plus sophistiqués, on ne peut plus se contenter de demi-mesures : il faut changer de paradigme pour une révolution de la transparence, seul moyen de mettre fin à ces scandales et surtout à l’hémorragie financière dont les premières victimes sont les États eux-mêmes et surtout les plus pauvres.

Prenons le cas des sociétés-écrans mis en exergue grâce aux « Panama Papers ». Rien de nouveau sous le soleil ici et si certains semblent découvrir le système de ces boîtes noires, c’est surtout parce qu’ils ne voulaient pas le voir avant. La Banque mondiale a publié en 2010 une grande enquête qui montrait que les sociétés-écrans ont été au cœur de 70 % des grands cas de corruption au cours des dernières décennies

Les « Panama Papers », pour une fois, pourraient créer une telle onde de choc que même les plus réticents seraient obligés de réagir. On constate déjà que les grandes déclarations et autres annonces et plans d’action contre l’opacité financière ont la cote depuis dix jours. Du jour au lendemain, l’Allemagne se découvre chantre de la lutte contre l’opacité financière et annonce la mise en œuvre d’un registre de transparence.

Le Premier ministre britannique, David Cameron, fait une déclaration devant son parlement pour venir à bout des sociétés-écrans. Michel Sapin, le ministre des Finances français, de son côté, annonce un plan d’action avant de s’envoler pour Washington pour retrouver ses homologues du G20 et discuter des mesures à prendre après le scandale.

Annonces européennes en trompe-l’oeil

Sauf que, si on regarde bien, une fois gratté le verni des belles paroles, toutes ces annonces et cette agitation n’ont rien de révolutionnaire. Pire encore, pour nombre d’entre elles, il s’agit d’annonces déjà faites par le passé.

L’Allemagne a en effet prôné un registre de transparence des bénéficiaires réels des sociétés la semaine dernière, en réaction aux nouvelles révélations panaméennes. Mais à y regarder de plus près, l’Allemagne ne propose rien de neuf à ce sujet, simplement la transposition d’une directive européenne qui a été votée il y a un an et demi déjà. Comble du comble : cette directive aurait été bien plus ambitieuse si l’Allemagne n’avait pas justement bloqué la mise en place de registre public et donc la vraie transparence de ce type d’information à l’époque.

Le Royaume-Uni, lui, est en première ligne à cause de ses dépendances, des territoires en lien avec la couronne britannique, par exemple l’île de Jersey, impliquée également dans les « Panama Papers », mais aussi parce que les trusts, structures juridiques très particulières et surtout très opaques, sont une spécificité de droit anglais.

Pourtant, bien que David Cameron ait été le premier dirigeant à s’engager pour la mise en place d’un véritable registre de transparence, avec accès public, en 2013, il a souhaité en exclure… les trusts… Une exemption de taille et une mesure inefficace, car, en comblant une faille, mais pas l’autre, il crée une échappatoire qui risquerait même d’aggraver le problème.

Les annonces en trompe-l’œil ne s’arrêtent pas là. La France, par la voix de son ministre des Finances, ne propose pas non plus quoi que ce soit de nouveau au sujet des sociétés-écrans, tout au contraire même. Il ne les mentionne pas dans son nouveau plan d’action, et ne se concentre que sur d’autres structures opaques telles que les trusts.

En effet, contrairement à son voisin britannique, la France souhaite la mise en œuvre d’un registre public des bénéficiaires réels des trusts – une mesure d’ailleurs déjà inscrite dans la loi depuis deux ans et demi, mais dont les décrets d’application se font toujours attendre ! Si la France veut porter des propositions concrètes auprès de ses homologues, elle ferait mieux de mettre en place ce qu’elle annonce plutôt que d’annoncer des anciennes mesures qu’elle n’a toujours pas mises en place.

Faire de l’opacité une exception

La voix de la France se ferait également mieux entendre, si Michel Sapin n’oubliait pas les sociétés-écrans dans son combat. S’il est vrai que le problème de ce type de société est bien pire ailleurs qu’en France, il ne faut pas oublier que même chez nous, il est tout à fait possible de créer une société sans révéler l’identité de la personne physique qui en tire les ficelles. Et comment prôner la transparence à l’étranger, si on ne balaie pas soi-même devant sa porte ?

Certes, il n’est pas toujours nécessaire de réinventer la roue, mais les Panama Papers mettent bien en évidence que les mesures actuelles ne suffisent pas. Il faut plus que des mesurettes recyclées. La dynamique créée par ce nouveau scandale doit permettre de franchir le pas et changer d’échelle : la transparence doit devenir la norme et l’opacité, l’exception. Une approche par petit bout ne suffit plus : on ne peut pas s’attaquer aux sociétés seules, et laisser de côté les trusts et vice-versa.

On ne peut pas non plus épingler une partie des territoires “difficiles” comme le dit joliment la Commission européenne et laisser d’autres brebis galeuses continuer leur jeu trouble. On ne peut pas faire de grands discours sur l’opacité des autres, sans imposer une véritable transparence sur son territoire.

Les propositions sont sur la table, les opportunités politiques pour les adopter et convaincre d’autres de faire de même ne manqueront pas. Aujourd’hui, les ministres des Finances du G20 se retrouvent à Washington, le 12 mai rendez-vous est donné à Londres pour un sommet anti-corruption. Sommet de la transparence ou énième talkshow ? À nos décideurs de nous le dire.

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