Chaque jour, 39 000 mariages d’enfants ont lieu dans le monde. Le FNUAP (le Fonds des Nations Unies pour la population) estime qu’en 2010, 67 millions de femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant 18 ans et qu’entre 2011 et 2020, 140 millions de filles l’ont été ou le seront.
Cette violation de leurs droits a des conséquences désastreuses aussi bien au niveau physique que psychologique et des répercussions terribles sur leur parcours éducationnel. Et le phénomène est en hausse : si les tendances actuelles continuent, 1 million de filles s’ajouteront aux 14,2 millions mariées avant leur majorité chaque année.
Les causes sont aussi bien socio-culturelles qu’économiques. Par exemple chez les Amhara en Ethiopie, les filles doivent être mariées avant leur puberté. Dans les sociétés nécessitant une main d’œuvre importante, les filles sont utilisées comme main d’œuvre gratuite par leurs belles familles.
Les guerres et les conflits civils sont des facteurs aggravants. Dans les camps de réfugiés au Rwanda, ce sont les enfants eux-mêmes qui décident de contracter ce genre d’union, seule alternative pour leur survie mais cela n’en demeure pas moins un abus.
Les filles victimes de mariage précoce ont un taux de fertilité élevé et sont moins susceptibles d’utiliser des moyens de contraception. Avant leur quinzième anniversaire, elles ont cinq fois plus de risques de mourir en couches que leurs pairs dans la vingtaine. En résumé, elles ont peu de contrôle sur leur vie sexuelle et sont plus exposées au VIH.
Il faut savoir que les régions du monde les plus pauvres concentrent le nombre le plus important de victimes de mariage précoce.
Au sein des pays en développement, l’Afrique de l’Ouest et Centrale représentent la seconde région la plus touchée après l’Asie. Entre 2000 et 2010, 41% des femmes âgées entre 20 et 24 ans y ont été mariées avant leur dix-huitième anniversaire.
D’ailleurs, la majorité des pays avec les taux les plus élevés de mariage d’enfants se trouvent en Afrique. Le Niger compte 75% de mariage précoces, le Chad et la République centrafricaine 68%, la Guinée 63%, le Mozambique 56 %, le Mali 55%, le Burkina Faso et le Sud Soudan 52% et le Malawi 50%.
Toutes les femmes ne sont pas exposées de manière égalitaire à ce fléau. En effet, les femmes qui vivent en zone rurale et/ou qui ont moins accès à l’éducation et les femmes les plus pauvres ont un risque beaucoup plus élevé que les autres d’en être victimes.
Le FNUAP a relevé que 2 fois plus de filles vivant en zone rurale (22%) que de filles en zone urbaine (44%) sont mariées de façon précoce, les femmes sans aucune éducation (63%) sont beaucoup plus exposées que celles avec une éducation primaire (45%) ou une éducation secondaire (20%). Enfin, 54% des filles âgées de 20 à 24 ans parmi les 20% les plus pauvres de la population ont été mariées de façon précoce.
En témoignent les histoires de Alzouma et Zahara qui vivent au Niger, le pays avec le taux de prévalence de mariage précoce le plus élevé au monde. En 2006, 75% des femmes entre 20 et 24 ans y ont été mariées avant leur 18ième anniversaire.
Seulement 4,3% de ces jeunes filles au Niger utilisent des moyens de contraceptions. Adama Hamadou Alzouma, 15 ans, avait un an de moins quand elle est tombée enceinte d’un homme de 46 ans après avoir quitté les bancs de l’école. Cet homme l’a épousé après la naissance de leur enfant, mais l’a abandonnée un mois après le mariage.
Elle a pu bénéficier du système d’enregistrement des naissances et de services de santé de base grâce au programme « Action for Adolescent Girls ». Des femmes de la localité sont formées et donnent des cours une fois par semaine à des jeunes filles pour qu’elles en apprennent plus sur leurs droits.
Zahara Barmo a eu plus de chance. Elle a 12 ans et vit dans le village de Madarounfa dans l’Est du Niger quand son père lui fait quitter l’école pour la donner en mariage. Le mariage était déjà en cours et la dot versée quand des membres de la communauté ont averti le chef du village, qui en a référé aux autorités locales. Le père, convoqué devant le juge, s’est vu exposer les dangers que représentait une telle union et décida d’annuler le mariage.
Pourtant la jeune fille affirme ne pas vouloir retourner sur les bancs de l’école car trois de ses amies sont déjà mariées. Cela en dit long sur la pression sociétale s’exerçant sur les jeunes filles, les valeurs auxquelles elles se réfèrent et la difficulté du combat.
Ces injustices auxquelles font face les filles dans les pays en développement sont une nouvelle fois la preuve que la pauvreté est sexiste. Aidez-nous à combattre ces inégalités sur one.org/pauvretesexiste
Ce billet a été rédigé par Aude Goumbri, assistante plaidoyer chez ONE France.