A l’Est de la République Démocratique du Congo, la région du Kivu s’apparente pour de nombreuses femmes à un enfer. Victimes d’un conflit qui n’en finit pas, elles sont des milliers à subir des viols utilisés comme armes de guerre. Mais dans l’enfer du Kivu, un homme risque sa vie quotidiennement pour leur venir en aide : le docteur Denis Mukwege. Un héros qui fait l’objet d’un documentaire qui sortira en salles ce mercredi 17 février.
Sur les cendres du génocide rwandais, la seconde guerre du Congo éclate en 1998 dans la région des grands lacs à l’Est du Congo, impliquant 9 pays Africains. Le bilan est lourd : 6 millions de morts, près de 4 millions de déplacés, des camps de réfugiés saturés, des centaines de milliers de personnes appauvries.
En 2011, l’ONU répertoriait 200 000 femmes victimes de violences sexuelles depuis le début du conflit. Des femmes et des filles de tous âges – y compris des bébés – subissent chaque jour des viols et agressions sexuelles. En plus de l’extrême violence – physique et psychologique – de ces agressions, beaucoup de femmes violées contractent le virus du sida ou d’autres maladies sexuellement transmissibles, et se voient couvertes de honte et rejetées par leurs familles et leurs communautés.
Une volonté hors du commun
Si les héros existent, Denis Mukwege en est un. Pas seulement parce qu’il a survécu à 6 tentatives d’assassinat, mais bien parce qu’il agit tous les jours au cœur de l’horreur.
Colette Braeckman et Thierry Michel, deux journalistes belges sont revenus sur le parcours exceptionnel de cet homme. « L’homme qui répare les femmes. La colère d’Hippocrate » est un documentaire qui retrace le travail du médécin, il dresse un portrait sans concession de la situation des femmes en République Démocratique du Congo. Si la réalité que le film dénonce est particulièrement violente, « L’Homme qui répare les femmes » délivre avant tout un message d’espoir.
Après avoir étudié et exercé la médecine et la gynécologie au Burundi et en France, Denis Mukwege rentre exercer dans sa région natale : le Kivu. L’éclatement de la première guerre du Congo en 1996 entraîne une vague de violence inouïe. 17 ans après ses premières patientes, le Dr Mukwege a soigné plus de 40 000 victimes et est devenu par la force des choses le spécialiste de la chirurgie réparatrice des mutilations sexuelles. A Panzi, le docteur Denis Mukwege et son équipe travaillent à réparer ces femmes, gratuitement, en prenant en compte les dimensions chirurgicales et psychologiques, mais également les questions de réinsertion sociale.
A ce sujet il déclare : « Nous avions commencé en nous limitant à la prise en charge médicale, mais nous nous sommes rapidement rendu compte qu’après avoir été soignées, les femmes refusaient de manger, de boire, de vivre et donc, mourraient également d’une certaine forme de suicide ». Le Dr. Mukwege a également créé une clinique juridique pour aider les femmes à faire valoir leurs droits et poursuivre leurs bourreaux devant les tribunaux.
N’a-t-il pas l’impression de crier dans le vide ? « Il y a eu des progrès, se console-t-il. Le viol, qui était considéré comme un dommage collatéral, est aujourd’hui reconnu comme un crime de guerre ».
Le 26 novembre 2014, le prix Sakharov lui est remis au Parlement européen à Strasbourg au cours d‘une séance solennelle. L’homme qui répare les femmes est alors revenu avec beaucoup d’humilité sur le combat mené chaque jour par les femmes violentées, sur leur dignité, et sur son engagement et sa détermination que plusieurs tentatives d’assassinat n’ont pas abîmé. Le Dr Mukwege a souligné avec beaucoup de justesse que son combat est l’affaire de tous, femmes et hommes, et que ces derniers doivent pleinement y prendre part.
Pressenti à de nombreuses reprises pour le prix Nobel de la Paix, il n’envisage pas une seconde que ce Prix puisse le distinguer lui, en tant qu’homme. Au sujet du prix Sakharov il déclare : « Ce n’est pas un prix pour moi. C’est le prix de toutes ces femmes, il leur revient de droit. C’est le signe que leur cri a enfin été entendu ». Il ne le sait que trop bien, le prix et sa médiatisation ne sauveront pas ces femmes. « Ce n’est pas une victoire. A l’heure où je vous parle, des femmes, des bébés, se font violer. Mais c’est un coup de projecteur nécessaire sur cette situation ».
Découvrez la bande annonce de « L’Homme qui répare les femmes : La Colère d’Hippocrate », le film de Thierry Michel et Colette Braeckman sui sortira en salle en France ce mercredi 17 février.
Ce billet a été rédigé par Tara Cilolo, assistante médias chez ONE France.