Sur les pentes du Mont Elgon, la route est abrupte et accidentée. Les camions et les tracteurs transportent du maïs et des légumes au bas de la montagne afin de les vendre dans la ville de Chwele et dans d’autres parties de la province ouest du Kenya.
Les motos représentent le principal moyen de transport et sont utilisées aussi souvent que les taxis. A quelques minutes d’intervalle, des motos s’élancent régulièrement en transportant un passager, parfois même trois à la fois.
Avant l’arrivée des motos, les habitants devaient se rendre à pied dans les rares centres de santé de la région. Les malades et les femmes enceintes devaient faire de longues distances ou se faire porter. A cause de la pénibilité de la marche, beaucoup de femmes choisissaient d’accoucher à domicile avec l’aide de sages-femmes traditionnelles.

Judith Chebet, à droite, à la maternité du centre de santé de Kopsiro après avoir donné naissance. Elle est assise près de son accompagnatrice qui l’a amenée au centre de santé. (Crédit photo : Anthony Langat)
Judith Chebet, 37 ans et mère de six enfants, a donné naissance aux trois premiers à domicile en raison de l’éloignement du centre de santé. Bien que toutes ces naissances se soient bien passées, elle a donné naissance à ses trois derniers enfants au centre de santé de Kopsiro.
En effet, l’infrastructure est dotée d’infirmières qualifiées et fournit des services de maternité gratuits grâce à un programme lancé par le gouvernement deux ans auparavant. Mais chaque trajet est d’environ sept kilomètres.
Des routes difficilement praticables ainsi que de longues distances à parcourir pour parvenir aux centres de santé font partie des éléments qui contribuent directement à un taux de mortalité maternelle élevé au Kenya.
Selon la Banque mondiale, le nombre de décès maternels au Kenya en 2014 s’élevait à 525 pour 100 000 naissances. Ces statistiques font du Kenya l’un des pires endroits au monde pour accoucher.
Soucieuse de remédier à cette situation, la communauté de Chebet, grâce l’appui initial de l’ONUSIDA et de l’ONG Save the Children, a mis en place un programme de moto-ambulance. Les membres de la communauté ont soigneusement sélectionné quelques conducteurs de mototaxis sur lesquels ils pouvaient compter.
Chaque conducteur, minutieusement contrôlé, devait être en possession d’un permis, d’une assurance et d’un téléphone portable. Il devait aussi prouver être le propriétaire de la moto et être disponible 24/24.
A son arrivée au centre de santé, le conducteur de la moto-ambulance fait signer son bon par l’infirmière en charge, qui le transmet ensuite à Save the Children afin de procéder au paiement.
« Nous sommes payés 4,5 euros à chaque fois que nous effectuons un voyage de nuit et 2,7 euros pour chaque voyage de jour à l’hôpital », témoigne Bradley Sobett, un conducteur de moto-ambulance de 37 ans.

Bradley Sobett, conducteur de moto-ambulance, près de son commerce alimentaire de proximité (Crédit photo : Anthony Langat)
Sobett est conducteur depuis le début de l’initiative lancée il y a plus d’un an. Il explique que l’état des routes se détériore quand il pleut, empêchant parfois de se rendre au centre de santé à temps. Il se souvient avoir été prévenu une fois à 3 heures du matin. Il devait aller chercher une femme dont l’accouchement avait déjà commencé, à plusieurs villages du sien.
« Il pleuvait et je n’avais pas d’autre choix que celui de démarrer ma moto et d’aller la chercher. Son village était inaccessible, même en moto, donc on l’a transportée jusqu’à la route » dit-il.
Certaines fois, à cause des délais et du mauvais état des routes, la patiente accouche durant le trajet, comme ce fut le cas au cours de cette nuit pluvieuse d’août de l’an passé. Des accompagnatrices suivent souvent les femmes enceintes au centre de santé, ainsi elles peuvent prêter main forte lors de situations d’urgences de ce type.
« Nous étions chanceux que la maison d’une sage-feme se trouve sur le chemin du centre de santé, ainsi nous avons décidé d’y amener la femme enceinte, étant donné qu’elle n’aurait pas pu tenir jusqu’à Kopsiro. Elle a accouché là-bas, et je l’ai emmenée au centre de santé le lendemain matin » dit Sobett.
Chebet, qui a donné naissance à son sixième enfant en novembre dernier, a utilisé une moto-ambulance pour ses deux derniers accouchements. « Par rapport aux précédentes années, cela constitue une avancée réellement utile, en effet cela prend une heure et demie pour marcher de chez moi à l’hôpital. Et encore plus de temps quand on est enceinte, » dit-elle.
Ogoti a salué le succès du programme, affirmant qu’il a réduit le nombre de décès maternels et a augmenté le nombre de femmes qui accouchent dans un centre de santé.
« Nous avons maintenant entre 80 et 100 accouchements par mois contre 35 à 45 l’année passée. Nos maternités sont toujours pleines, et nous pourrions avoir besoin de plus d’espace » dit-il.
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Cette histoire écrite par Anthony Langat, un journaliste pigiste Kényan qui réalise des reportages sur les droits humains, la sécurité, la gouvernance et le changement climatique, et a été initialement publiée dans TakePart le 3 Janvier 2015. Adapté de l’anglais par Aude Goumbri, assistante plaidoyer chez ONE France.