Nous ne devrions pas écrire ces lignes. Il y a quatre ans, le pays du Sud Soudan célébrait son indépendance, la foule à Juba débordait d’espoir et d’optimisme. Fin juillet, le président américain Barack Obama, en visite officielle en Ethiopie, a appelé les leaders régionaux à trouver un accord de paix au plus vite, dénonçant une crise humanitaire qui s’aggrave.
Comme l’a très clairement décrit Nicholas Kristof dans un article du New York Times il y a quelques semaines, le Sud Soudan est au bord de la famine. La guerre civile qui s’est emparée du pays il y a 18 mois, combinée à de mauvaises récoltes, a laissé un tiers des 4,6 millions d’habitants dans une « insécurité alimentaire sévère » ou dans l’impossibilité de produire ou d’acheter la nourriture dont ils ont besoin. Et, comme nous l’ont appris les autres crises humanitaires, les femmes et les filles sont très souvent les premières victimes de l’insécurité alimentaire.
Les organisations engagées dans ce combat comme le Programme alimentaire mondial (PAM), ont fait tout ce qui était en leur pouvoir et utilisé tous les moyens possibles pour acheminer une aide vitale aux populations : parachutage, acheminement par bateaux, versement d’argent et de bons d’alimentation, et construction de routes pour relier les zones de production de nourriture aux marchés.
Cependant, le conflit rend l’acheminement de l’aide difficile et dangereuse, même vers les zones qui ne sont pas directement touchées par les combats. Dans le pays, la route qui mène à la capitale Juba est bloquée, les frontières sont fermées et les prix des aliments de base ont considérablement augmenté. Les personnes qui fuient la violence (ici encore, principalement des femmes et des filles) s’en vont vers les zones isolées, et les champs, le bétail et les poissons qui leur permettaient de se nourrir et d’avoir un revenu sont laissés derrière elles.
N’oublions pas aussi que les financements de la communauté internationale sont largement inférieurs aux besoins. Le PAM a récemment dû diviser par deux le nombre de bons alimentaires distribués aux réfugiés syriens du Liban, et supprimera peut-être la totalité de l’aide apportée au demi-million de Syriens de Jordanie le mois prochain. Les contributions totales sont en hausse, mais les besoins d’assistance dans les situations de crise augmentent encore plus rapidement.
Il ne peut bien évidemment pas y avoir de solution de long terme tant que le conflit ne sera pas terminé, que ce soit pour le Sud Soudan ou n’importe quelle autre crise. Mais dans l’intervalle, les agences qui portent assistance aux populations prises entre deux feux ont besoin d’un accès humanitaire et de ressources pour atteindre les plus vulnérables. Les conséquences de la faim et de la malnutrition sont permanentes et intergénérationnelles. Ne rien faire aujourd’hui c’est condamner des générations entières à souffrir de l’impact de ces 18 mois de conflit.