Nous faisons campagne ensemble dans la lutte contre le sida depuis près de deux décennies. Au cours de cette période, nous avons assisté à de réels progrès envers cette maladie mortelle, mais de grands dangers subsistent. Le moment est venu de faire le point sur cette bataille et sur ce que vous pouvez faire pour aider l’humanité à gagner dans sa campagne épique contre notre ennemi le plus ancien : les maladies infectieuses.
L’espoir : 4 000 vies sauvées chaque jour
D’abord, la bonne nouvelle. Nous avons écrit ce blogue le 30 mars 2019. Il est réjouissant de constater qu’environ 4 000 personnes de moins sont mortes aujourd’hui du sida, de la tuberculose ou du paludisme que le 30 mars 1999. Au cours des deux décennies qui ont suivi, les militants se sont mobilisés et ont exigé un financement accru, une recherche améliorée et une réduction des prix des médicaments essentiels. Des pressions furent exercées pour que les infirmières et les médecins courageux qui luttent en première ligne contre ces maladies bénéficient d’un soutien accru. Cela nous a permis de réduire de près de la moitié le nombre de décès dus au sida et au paludisme, une réalisation extraordinaire qui a permis de sauver plus de 27 millions de vies. Si vous avez participé à cette campagne ou si vous êtes intervenant de première ligne dans le domaine de la santé : MERCI. Vous faites la preuve que l’humanité peut gagner ce combat.
L’horreur : 1 000 femmes contractent le VIH chaque jour
En dépit de tous ces progrès — et de grands engagements mondiaux — l’ampleur de la tragédie demeure écrasante. Près de 1 000 adolescentes et jeunes femmes vont contracter le VIH aujourd’hui. Le sida est aujourd’hui la principale cause de décès chez les femmes de moins de 50 ans. 7 000 personnes mourront encore du sida, de la tuberculose ou du paludisme le jour où vous lirez ce blogue.
Pourquoi ces horribles faits ne sont-ils pas bien connus ? Pourquoi n’en parle-t-on pas tous les soirs aux nouvelles — ou, du moins, juste une fois ?
En fait, nous savons pourquoi. Parce que les faits ne racontent qu’une partie de l’histoire. Ces statistiques sont avant tout des histoires humaines, c’est donc dans ce contexte que l’une de nos voix s’est fait entendre.
Héroïne de la santé : Agnès, infirmière et activiste
« Je m’appelle Agnès Nyamayarwo et je ne suis pas qu’une statistique sur une feuille de calcul, je suis une infirmière ougandaise et une activiste. »
« En 1992, j’ai été diagnostiquée séropositive peu après la mort de mon mari. En tant que mère, je ne m’inquiétais pas seulement de ma santé, mais aussi de celle de mes dix enfants dont je savais qu’ils deviendraient orphelins si je mourais. Cela s’est accompagné de stigmatisation et de discrimination à l’égard de toute ma famille. Cette stigmatisation a fait souffrir mon fils de 16 ans de dépression et finalement d’une dépression nerveuse. Un an plus tard, il a disparu et nous ne l’avons jamais retrouvé. »
« La partie la plus éprouvante de mon cheminement a été lorsque mon plus jeune fils, Chris, est tombé malade à l’âge de 5 ans après avoir contracté le VIH. Je me suis sentie tellement impuissante et coupable de lui avoir transmis le virus sans le savoir. Il est malheureusement décédé un an et demi après son diagnostic. Le voir souffrir de la maladie m’a causé d’horribles souffrances qu’aucune autre mère ne devrait jamais endurer. »
« Lors d’une rencontre à TASO (Organisation de soutien aux victimes du SIDA) à Kampala, en Ouganda, j’ai entendu beaucoup d’histoires tout aussi tristes de la part d’autres personnes et de leurs familles. TASO nous a offert une tribune pour partager et avoir un sentiment d’appartenance ainsi qu’une occasion de se procurer des médicaments. En 2002, Bono, Jamie et d’autres activistes ont entendu parler de mon histoire. Ils étaient si émus et en colère qu’ils m’ont encouragée à rejoindre leur équipe alors qu’ils faisaient campagne au cœur de l’Amérique dans le but de mobiliser des fonds pour la lutte contre le sida. »
« Je trouve étonnant et magnifique que de bonnes personnes en Amérique, en Europe et dans le monde soient touchées et concernées par des histoires comme la mienne. Cela rend encore plus tangibles les terribles réalités de notre lutte. Aujourd’hui, grâce à des gens comme vous qui ont écouté et pris des mesures concrètes, plus de la moitié des personnes dans le monde qui ont besoin de ces médicaments vitaux en reçoivent. Un grand merci ! Nous devons maintenant tirer parti de ce partenariat pour combattre ces maladies mortelles et assurer la sécurité sanitaire de tous. »
Financer la lutte
Et maintenant, que faire ? L’un des objectifs doit être d’augmenter considérablement le financement de la lutte. Dans les pays les moins développés, le montant moyen des dépenses publiques consacrées à la santé par personne est d’environ 31 $ US par an. En revanche, le Royaume-Uni et les États-Unis dépensent respectivement 3 100 $ US et 8 000 $ US par personne annuellement. Il s’agit là d’une disparité troublante, stupéfiante et tout simplement inacceptable. Les formidables travailleurs de la santé qui œuvrent en première ligne — les infirmières et les médecins des cliniques à travers l’Afrique — ont besoin de soutien accru. Appuyer ces héros de la santé n’est pas seulement la bonne chose à faire, c’est aussi la chose la plus avisée qui soit. La communauté mondiale porte un véritable intérêt à leurs efforts — les maladies peuvent aujourd’hui se propager plus rapidement que jamais auparavant. En supprimant leur propagation dans les pays à faible revenu, nous contribuons à assurer la sécurité sanitaire de tous.
D’abord et avant tout, les pays en développement doivent accroître leur financement national en matière de santé. Lors d’un récent sommet de l’Union africaine, les dirigeants ont promis de financer davantage la santé. Ces engagements doivent maintenant être tenus et soutenus par les plus récentes données et innovations numériques. Ce n’est qu’alors que les citoyens, les partenaires et les patients deviendront des citoyens autonomes — capables de savoir, grâce à des budgets et des contrats ouverts, si les fonds ont réellement été investis et si l’argent et les médicaments ont été fournis.
Les partenaires internationaux doivent également intensifier la lutte, en particulier en faveur des pays les plus pauvres. Gavi, l’Alliance du Vaccin, et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme sont deux excellents mécanismes pour aider à mobiliser et à investir des ressources.
Depuis le début de notre campagne commune contre la crise du sida et pour la création du Fonds mondial, ce mécanisme multipartite a permis de sauver plus de 27 millions de vies. Pour poursuivre cette action vitale, le Fonds mondial doit maintenant mobiliser un minimum de 14 milliards de $ US lors de sa conférence de reconstitution de ses ressources qui se tiendra en octobre, à Lyon, en France. Ces 14 milliards $ US — et les investissements nationaux qu’ils contribueront à catalyser — permettraient de réduire de 7 000 à 3 500 le nombre de décès dus à ces maladies chaque jour, et le nombre d’infections chez les adolescentes et les jeunes femmes d’environ 1 000 à moins de 400 par jour. Il s’agit de chiffres approximatifs du fait que les données sur les femmes et les filles les plus marginalisées ne sont pas encore de qualité suffisante. Une réduction d’une telle ampleur contribuerait toutefois à tracer une trajectoire claire vers un taux quasi nul de nouvelles infections et de décès d’ici 2030 — l’un des principaux objectifs mondiaux en matière de développement durable.
Le Fonds mondial est un partenariat novateur et transparent essentiel à la réalisation de ces objectifs. Il a maintenant atteint une ampleur telle que son financement intégral permettra de sauver 16 millions de vies au cours des trois prochaines années. L’Irlande s’est déjà engagée à augmenter son financement d’au moins 50 %. Nous avons maintenant besoin d’un leadership similaire de la part du pays hôte de la conférence, la France, ainsi que de l’Allemagne, du Royaume-Uni, des États-Unis et de tous les autres pays animés de la même conscience.
Ce qui nous échappe, c’est à quel point certains pays riches se montrent avares et « myopes ». Prenons l’exemple de pays riches comme l’Autriche ou la Finlande. Pourquoi ces pays ne contribuent-ils pas du tout à cette action ? Les citoyens de ces pays auraient sûrement honte s’ils étaient au courant de cette situation et nous osons croire qu’ils exigeraient de leur gouvernement qu’il ne les embarrasse pas de la sorte.
Dans la même veine, le monde compte tant de grandes sociétés et de milliardaires. Une contribution d’un million de dollars US peut aider à sauver près de 1 000 vies. Un milliard de dollars peuvent en sauver près d’un million. Ces milliardaires et ces grandes sociétés doivent rivaliser de générosité avec Bill Gates — ils doivent en faire plus que lui, en donnant plus. Leur esprit de compétition notoire doit se manifester davantage dans le cadre de cette lutte. Un bon départ serait de s’engager auprès de Product RED, qui aide le secteur privé à amasser du financement pour le Fonds mondial, et de suivre l’initiative d’Aliko Dangote, qui a promis de donner au moins 1 % annuellement à la santé.
Le risque de ne pas trouver la totalité des 14 milliards de dollars américains est très réel. Recueillir un milliard de moins signifierait laisser mourir un million de personnes. La mobilisation de ces fonds doit être une priorité mondiale pour nous tous. Il s’agit d’un référendum sur la compassion collective de l’humanité et sa soif de justice, d’égalité et de coopération.
Nous vous laissons donc avec une question. Devenez un « factiviste » dans cette lutte — un activiste passionné, armé de faits et d’actions incontestables. Si vous vous souciez de l’égalité des sexes, luttez pour le Fonds mondial. Si vous vous souciez des droits de la personne, luttez pour le Fonds mondial. Si vous vous souciez de la lutte contre la corruption et de l’autonomisation des citoyens, luttez pour le Fonds mondial. Et lorsque nous aurons gagné cette bataille, nous lutterons pour les vaccins, les travailleurs de la santé et la sécurité sanitaire de l’humanité. Nous continuerons à lutter contre les maladies infectieuses comme le sida et à faire campagne pour la sécurité sanitaire de chacun, jusqu’au jour de notre mort.