L’égalité entre les femmes et les hommes est à l’honneur en 2019. Le Canada avait déjà placé ce combat au cœur du G7 en 2018, et la France a également décidé d’en faire la grande priorité de son G7 cette année. Le Conseil consultatif pour l’égalité des sexes, inauguré l’an passé par Justin Trudeau, consolide son champ d’action sous l’impulsion d’Emmanuel Macron. Cette semaine à Vancouver, le Canada accueillait d’ailleurs « Women Deliver », la plus grande conférence internationale sur l’égalité des genres, qui réunit plus de 8000 dirigeants mondiaux, influenceurs, porte-paroles, chercheurs, activistes et journalistes pour accélérer les progrès pour les droits des femmes et les filles dans le monde.
Ce coup de projecteur est plus que nécessaire, car nous ne progressons pas assez vite. Le Forum Economique Mondial estime qu’au rythme actuel, il faudra encore 108 ans pour mettre fin aux inégalités entre les genres en matière de santé, d’éducation, d’opportunités économiques et de représentation politique.
Mais ces grandes conférences internationales peuvent-elles vraiment faire changer les choses ? Certes, elles attirent l’attention des décideurs politiques, et leur offrent une plateforme pour d’éventuelles annonces de financement ou de réformes politiques. Mais pour s’assurer que celles-ci ne tombent pas dans l’oubli une fois annoncées, il faut inciter nos dirigeants à prendre des mesures audacieuses, et surtout à tenir leurs promesses. Cela passe par un processus de redevabilité solide et efficace.
Dans le domaine de l’égalité de genre, il n’existe pas encore d’initiative permanente qui assure cette redevabilité. Celles qui existent se penchent sur le passé plutôt que sur les réformes à venir. Elles n’obligent pas non plus les pays à prendre des engagements mesurables et assortis de délais, et ne permettent pas une implication significative de la société civile et du secteur privé.
Une grande initiative internationale offre un aperçu de ce à quoi pourrait ressembler un tel mécanisme de redevabilité : le Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO), dont le sommet mondial s’est tenu la semaine dernière à Ottawa. Cette initiative a été créée pour encourager l’ambition des pays dans la mise en œuvre des réformes politiques liées à la transparence et à la lutte contre la corruption. Le PGO a réussi à faire bouger les lignes sur un sujet à la fois complexe et sensible. Il faut s’en inspirer pour l’égalité des genres.
L’une des priorités de ONE pour les droits des femmes et les filles en 2019, sur laquelle nous espérons voir des progrès au G7 en France, est la création d’un mécanisme de redevabilité assez fort pour faire avancer l’égalité femmes-hommes : une nouvelle alliance mondiale pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous lui avons même déjà trouvé un nom : la Global Alliance for Gender Equality, ou GAGE, pour les intimes.
Pour réussir, ce partenariat devrait inclure les éléments suivants, basés sur le modèle du PGO :
- Former un partenariat de gouvernements, mais aussi inclure la société civile et le secteur privé en tant que membres actifs dans chaque étape du processus;
- S’imposer comme une plate-forme internationale en incluant les pays membres du G7 mais aussi des pays non-membres, en commençant par les pays les plus motivés et engagés pour la cause;
- Etablir des critères d’éligibilité minimaux pour devenir membre de l’alliance, tels que l’abolition de certaines lois sexistes, afin de s’assurer d’une réelle volonté politique dans la lutte pour l’égalité des genres;
- Demander aux pays-membres d’élaborer des plans d’action nationaux fondés sur des engagements législatifs et politiques selon la méthode « SMART », c’est-à-dire aux objectifs Spécifiques, Mesurables, Ambitieux, Réalistes et Temporellement définis;
- Mettre en place un système de suivi indépendant composé d’experts sur l’égalité femmes-hommes, chargé d’évaluer la qualité des engagements « SMART » et leur mise en œuvre dans le temps;
- Maintenir cette dynamique internationale en invitant les chefs d’Etat des pays-membres à se rencontrer tous les deux ans pour évaluer les progrès de chacun;
Pour tenir ses promesses, une telle Alliance pourrait s’appuyer sur un petit secrétariat qui serait chargé d’orienter les efforts des pays et de superviser le système de suivi indépendant.
Pour l’égalité femmes-hommes, ce sont des progrès concrets dont nous avons besoin. Les promesses ne suffisent plus. Une alliance mondiale donnerait une vraie crédibilité aux recommandations du Conseil consultatif sur l’égalité entre les femmes et les hommes du G7, en accélérant la lutte pour l’égalité femmes-hommes tout en permettant des approches adaptées à chaque pays. N’attendons pas 108 ans pour mettre fin aux inégalités.