Pourquoi le Canada devrait empêcher le recours à des compagnies fantômes

Sasha Caldera est gestionnaire de programme du projet sur bénéficiaires ultimes chez Canadiens pour une fiscalité équitable.

Cette année pour l’Halloween, il faudrait lever le voile sur les compagnies fantômes. Ces entreprises impénétrables, que l’on appelle aussi compagnies fictives, permettent à leurs réels propriétaires ou dirigeants (les ‘bénéficiaires ultimes’) de demeurer anonymes en utilisant des prête-noms. Ces compagnies fantômes sont parmi les moyens les plus courants utilisés par des individus corrompus au pays et à l’étranger pour dissimuler et blanchir des capitaux illicites. Ce type d’entreprise est beaucoup trop facile à créer au Canada.

Le gouvernement du Québec vient de lancer une consultation publique sur la transparence corporative et a annoncé son intention de rendre obligatoire l’identité des bénéficiaires ultimes des entreprises. C’est là une bonne nouvelle pour la lutte mondiale contre la corruption.

La GRC, dans une estimation prudente, a estimé que chaque année 47 milliards de dollars sont blanchis au Canada. Malgré la traditionnelle bonne réputation du Canada sur la scène internationale, notre pays essuie de plus en plus de critiques par ceux et celles qui disent qu’on y fait du ‘snow washing’ –rendre des capitaux illicites « blancs comme neige. » À ce jour, le Canada permet aux propriétaires d’entreprises, d’actifs et de fiducies de demeurer anonymes. Cette faille est souvent exploitée par des criminels pour dissimuler leurs biens illégalement acquis. Les vérifications d’identité pour obtenir une carte de bibliothèque sont plus exigeantes que celles requises pour créer une nouvelle entreprise!

C’est pourquoi une coalition d’organisations a lancé une campagne visant à mettre fin au snow washing. L’objectif de cette campagne est que le Canada mette en place un registre des entreprises accessible au public pour identifier les bénéficiaires ultimes. Ceci aiderait les journalistes, les lanceurs d’alerte, les organisations de la société civile, les administrations fiscales et les forces de l’ordre au pays et à l’étranger à obtenir des renseignements utiles dans la lutte à la corruption et à la fuite des capitaux. Les entreprises y trouveraient aussi leur compte. Selon la société Ernst and Young, 91 % des cadres de direction croient important de connaître l’identité des propriétaires ultimes des entreprises avec lesquelles elles font affaire.

C’est aussi un enjeu pour le développement international. Chaque année, on estime qu’environ 50 milliards de dollars d’argent illicite sortent de l’Afrique. Chaque dollar englouti dans la corruption est un dollar qui ne sert pas à offrir des services de santé ou à envoyer des enfants à l’école. Pour combattre la pauvreté, il est essentiel de juguler au Canada et à l’étranger les réseaux d’acheminement anonymes de capitaux illégaux que l’on dissimule ici à des fins d’évasion fiscale, pour financer le terrorisme ou d’autres activités criminelles.

L’accès à un registre public canadien permettrait aux administrations fiscales des pays en développement d’effectuer une surveillance des fonctionnaires étrangers corrompus qui pourraient s’adonner au blanchiment d’argent dans l’immobilier au Canada. Les administrations fiscales des pays en développement ont souvent des difficultés à faire appliquer les lois, et un registre canadien des bénéficiaires ultimes renforcerait la capacité des pays à faibles revenus d’améliorer la perception des taxes et d’enquêter sur des fonctionnaires soupçonnés de corruption.

Le Canada tire de l’arrière et doit rattraper les autres pays

Dans la foulée des efforts pour lutter contre la corruption, certaines des grandes économies mondiales ont créé, ou envisagent de créer, des registres d’entreprises publiquement accessibles identifiant les bénéficiaires ultimes. Le Canada est un des rares pays du G20 à ne pas disposer d’un tel registre. Les États membres de l’Union européenne (UE) sont tenus de mettre sur pied des registres publiquement accessibles de bénéficiaires ultimes d’ici janvier 2020, et le Royaume-Uni cherche à faire des registres publics une norme incontournable d’ici la fin de 2023. Encore la semaine dernière, aux États Unis, la Chambre des représentants a adopté le Corporate Transparency Act of 2019 (loi sur la transparence des entreprises) qui exige que les entreprises dévoilent l’identité de leurs bénéficiaires ultimes.

En 2016, le Groupe d’action financière (GAF), composé de gouvernements et mandaté pour exercer une surveillance, estimait qu’en matière de transparence de la propriété, le Canada était soit peur conforme ou non conforme. En 2018, Transparency International estimait que de tous les pays du G20, le Canada se classait au dernier rang en matière de lois sur la transparence financière.

Des experts ont conclus que la complexité des structures financières et juridiques sert à camoufler des capitaux illégaux au Canada, et que la divulgation d’une meilleure information sur les bénéficiaires ultimes serait la plus importante amélioration de la réglementation. Les experts ont aussi recommandé que le registre soit « transparent, public et facilement accessible. »

On fait des progrès, mais on est encore loin du but

Puisque la plupart des entreprises sont enregistrées au niveau provincial, le gouvernement du Canada et ceux des provinces et territoires ont conclu en décembre 2017 un accord visant à renforcer la transparence sur les bénéficiaires ultimes. Toutefois, certaines provinces prennent déjà les devants. En plus du Québec qui lançait le mois dernier sa consultation sur la transparence corporative, le gouvernement de Colombie Britannique est devenu le premier à déployer un registre publiquement accessible qui identifie les bénéficiaires ultimes des entreprises.

Ces provinces font la preuve que l’ouverture et la transparence sont les meilleurs outils pour lutter contre la corruption. Nous espérons que le gouvernement du Québec ira de l’avant et exigera la divulgation de l’identité des bénéficiaires ultimes dans son registre public des entreprises. Les gouvernements fédéral et des autres provinces devraient suivre l’exemple et colmater cette échappatoire. À travers le monde, des gens comptent sur le Canada pour faire la bonne chose.

Pour plus de renseignements sur cette campagne au Canada et pour agir, visitez le site #EndSnowWashing.

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